Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/799

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En outre, les autres prix qu’elle est chargée de décerner, le jugement des concours sur des questions d’esthétique ou d’histoire de l’art annuellement proposées par elle, — les rapports qu’elle adresse au ministre compétent, pour lui signaler les mérites d’un ouvrage ou les avantages d’une découverte ; — enfin, et surtout, les rapports sur les « envois » de Rome, dont l’ensemble constituerait à la fois l’histoire des mouvemens accomplis dans notre école depuis un siècle, et l’histoire des commencemens de la plupart des maîtres qui l’ont le plus honorée, — tout cela certes prouve suffisamment que l’inertie reprochée à l’Académie n’est qu’un mot et que ce prétendu asile d’apparat offert à quelques illustres invalides est en réalité pour l’art national un foyer de vie et d’action.

Parmi les œuvres produites en France dans le cours des vingt dernières années, les plus remarquables, à de bien rares exceptions près, sont dues à des artistes membres de l’Institut ; aussi, est-ce de l’Académie et des exemples qu’elle donne, que peut venir la résistance la plus efficace aux sophismes de ceux qui, sous prétexte de réforme, ne reculent devant aucune bravade et prennent à tâche d’étaler leur impuissance même comme un témoignage de leur originalité. Les choses, dans le domaine de l’art comme ailleurs, semblent, à la fin de ce siècle, se précipiter avec une singulière violence : l’Académie est une digue capable de refouler le torrent, ou, tout au moins, d’en limiter les ravages au territoire momentanément envahi. Que de fois déjà, en face d’autres périls ou sous le coup d’autres menaces, n’a-t-elle pas réussi à se défendre, et à défendre victorieusement avec elle l’honneur de notre art national !

Les souvenirs attachés au passé de la quatrième classe de l’Institut et le spectacle de sa vitalité présente sont donc de nature à nous rassurer sur l’avenir. Composée comme elle l’est aujourd’hui, l’Académie des Beaux-Arts ne se montre pas certes près de faillir à ses devoirs et de démentir en quoi que ce soit les traditions qui l’obligent ou l’esprit de sage progrès dont elle a été de tout temps animée.


HENRI DELABORDE.