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pour cette raison, leurs « antagonistes. » En même temps que les muscles élévateurs entrent en jeu, leurs antagonistes, c’est-à-dire ceux qui tendent à abaisser le bras, doivent leur opposer une vigoureuse contraction, qui enraie, pour ainsi dire, le mouvement, et provoque une dépense de force plus grande, pour la même raison qu’un frein de voiture fortement serré oblige le cheval à un plus fort coup de collier. Chez les Suédois, le même mouvement se fait lentement, sans raideur et sans force ; mais le bras ne s’arrête pas dans la position verticale, le gymnaste cherche à lui faire atteindre la limite extrême de déplacement que l’articulation permet, el s’efforce de le porter le plus possible en arrière. Cette différence d’exécution de deux mouvemens en apparence identiques en change totalement les effets. Par le procédé français on obtient des résultats plus athlétiques, on augmente davantage la force des muscles ; mais par le procédé suédois on obtient des effets hygiéniques. Les mouvemens amples et doux ont pour effet direct d’allonger, sans secousse, les muscles, de les rendre plus souples, et de combattre les rétractions musculaires, causes fréquentes de difformité. Ils ont encore pour résultat final de rendre les ligamens plus souples, d’augmenter les surfaces de frottement des os, en un mot, de donner plus de mobilité aux articulations. Les mouvemens normaux gagnent à ces exercices une facilité et une aisance singulières, qui donnent à la tournure un cachet d’élégance très remarquable.

Il ne faut pas croire, cependant, que ce mode d’exécution doive exclure toute dépense de force. L’effort musculaire ne se traduit pas par la violence brutale du mouvement, mais par son ampleur et sa durée. Une action lente et progressive des muscles porte le membre déplacé aussi loin qu’il est possible et l’y maintient pendant un certain temps. Et plus le gymnaste est exercé, plus il augmente l’amplitude du mouvement, plus il en prolonge la durée. Il arrive ainsi que le mouvement aboutit en définitive à une pose, à une attitude fixe, et le corps garde pendant un certain temps cette sorte d’immobilité active qui constitue une dépense de force considérable.

La plupart des exercices des Suédois mériteraient de s’appeler des attitudes plutôt que des mouvemens. Ces attitudes sont combinées avec un remarquable sentiment de l’esthétique, en même temps qu’avec une notion parfaite des lois de la physiologie et de l’hygiène. Il en est beaucoup dans lesquelles la position respective des bras, des jambes et du tronc offre à l’œil les lignes les plus gracieuses, car les Suédois ont, au plus haut point, le sentiment de l’harmonie des mouvemens ; ils ont la notion de ce fait, que tels déplacemens du corps sont naturellement associés à tels autres,