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se réunissent à la lumière du gaz, dans la grande salle de l’Institut central.

Bien d’autres sociétés de gymnastique de femmes existent à Stockholm ; quelques-unes ont des locaux spéciaux et des maîtresses à elles, mais la plupart utilisent les salles que l’Institut met gratuitement à leur disposition, et acceptent la direction des professeurs qu’il leur offre. Chaque soir, deux ou trois groupes différens de jeunes ouvrières viennent se livrer à ces exercices, si bien conçus pour contre-balancer les effets de l’immobilité forcée qu’elles ont gardée pendant le jour, et si efficaces pour corriger les attitudes vicieuses que donnent au corps les divers travaux à l’aiguille.

La pratique continuelle des exercices du corps a une influence manifeste, aussi bien au moral qu’au physique, sur les jeunes filles de Stockholm. Toutes présentent dans leurs allures quelque chose d’ouvert et de décidé qui trahit l’habitude de l’action. Elles ont, en général, beaucoup d’assurance dans la démarche, beaucoup d’aisance dans tous les mouvemens ; la plupart sont grandes et élancées, presque toutes sont droites et « portent beau. » Toutefois il ne faudrait pas croire que leur gymnastique en fait des « viragos. » Les exercices auxquels elles se livrent n’ont rien de commun, — nous l’avons dit et répété, — avec notre gymnastique brutale, rien qui puisse épaissir les membres, et donner au corps des formes masculines. Elles ne sont, il est vrai, ni mièvres, ni délicates, mais en gagnant de la force et de la santé, elles ne perdent pas leur grâce, et demeurent femmes et très femmes.

Les habitudes d’activité physique, de décision et de hardiesse que développe, chez la femme, la pratique régulière de l’exercice, influent incontestablement sur son moral et retentissent sur son rôle social. Les jeunes filles de Stockholm ont plus d’initiative que les nôtres, elles sont plus accoutumées à se passer de leur mère et à se tirer d’affaire sans l’aide de personne. On les a habituées à l’action, et, arrivées à l’âge de femme, elles sont très aptes à mettre leur activité au service de la famille ou du ménage, pour contribuer à sa prospérité. Beaucoup d’emplois réservés aux hommes, dans notre pays, sont occupés, à Stockholm, par des femmes. Les jeunes gens qui cherchent une position dans les magasins, les bureaux, les administrations, se plaignent de se trouver trop souvent écartés par la concurrence féminine.

Les femmes de la société font beaucoup moins de gymnastique que celles de la classe intermédiaire, et il est rare qu’elles continuent après leur sortie de pension les exercices qu’elles ont pratiqués dans leur première jeunesse. Toutefois, ces exercices ayant