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préventif, grâce auquel certains troubles de la santé peuvent être évités, mais non un remède applicable aux maladies déclarées. Il est trop tard, disent tous nos praticiens, pour avoir recours à l’exercice quand la maladie s’est nettement caractérisée, et surtout quand une lésion s’est produite dans quelque organe.

Cette manière étroite de comprendre l’application de l’exercice vient de la conception que nous avons de ses effets et se lie intimement à la tendance de notre système d’éducation physique, dont nous avons fait ressortir le caractère essentiellement athlétique. Notre gymnastique est trop brutale pour se prêter aux délicatesses d’application que réclameraient des organes malades. Elle s’attache à augmenter la force des muscles et la résistance du corps. Et, dans cet esprit, les exercices qu’elle applique ont pour caractère d’être plus difficiles et plus fatigans que les mouvemens de la vie ordinaire. Comment, dès lors, songer à les appliquer aux malades, dont les organes se fatiguent et subissent des perturbations graves, sous l’influence des actes les plus usuels de la vie ?

Pour comprendre combien est rationnelle, a priori, la prévention des médecins contre la gymnastique médicale, il est nécessaire d’exposer en quelques mots les effets produits sur l’organisme humain à l’aide de la gymnastique, ou, pour parler d’une façon plus exacte, à l’aide de l’exercice physique, dont la gymnastique n’est qu’une forme systématique.

Tout exercice corporel fait sentir à l’organisme deux sortes d’effets physiologiques : les uns locaux, les autres généraux. Les effets locaux se manifestent sur la région même du corps qui est le siège du mouvement, sur les bras, par exemple, dans l’exercice des haltères, sur les jambes dans l’exercice de la marche. Les effets généraux retentissent bien au-delà du point où s’est localisé l’effort et atteignent l’organisme tout entier. C’est ainsi que la course, exercice de jambes, produit des effets très violens sur le cœur et sur le poumon et amène, du même coup, la transpiration et réchauffement de tout le corps. Les effets dits « généraux » de l’exercice sont très justement qualifiés ainsi, car ils atteignent tous les organes sans exception, activent toutes les fonctions et se font sentir même aux actes les plus intimes de la nutrition. Ils sont le résultat d’une sorte de mise en branle de la machine humaine, dont toutes les pièces vibrent, pour ainsi dire, à l’unisson, quand l’une d’elles reçoit, par le fait du travail des muscles, un choc intense ou prolongé.

En cherchant à produire les effets généraux de l’exercice, on est donc sûr d’en faire bénéficier tous les organes, sans avoir besoin de viser plus spécialement l’un d’eux. C’est grâce à ses effets généraux que la marche, exercice de jambes, peut faire sentir à