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des affirmations énoncées dans le rapport. Ce n’est pas sérieusement que l’on reproche le huis-clos des négociations ; les traités ne se font pas, d’ordinaire, sur la place publique. Pour le surplus, les textes et les documens démontrent que l’acte diplomatique, le traité du 23 janvier 1860, était inoffensif au regard de notre industrie et que les tarifs, la chose importante, loin d’être livrés à l’aveugle aux convoitises de l’Angleterre, ont été discutés pied à pied et arrêtés à la suite d’études très approfondies. En outre, l’agriculture n’a pas été, comme on le dit, sacrifiée en 1800, par l’excellente raison que le traité ne contenait aucune disposition relative aux produits agricoles. À cette époque, d’ailleurs, l’agriculture, loin de faire cause commune avec l’industrie, protestait contre les prohibitions ou les droits excessifs qui renchérissaient le fer, les machines et les principaux produits industriels. Enfin, les modérations de tarif stipulées dans le traité n’étaient point accordées gratuitement à l’Angleterre : celle-ci nous concédait, en échange, une réduction de droits très sensible sur les vins et les eaux-de-vie, ainsi que l’abolition des droits de douane pour un grand nombre de nos produits agricoles ou industriels. Par une clause spéciale, qui avait pour nous une grande importance, les deux contractans s’engageaient à ne pas interdire et à ne point frapper de droits l’exportation de la houille. Bref, les concessions étaient réciproques, équilibrées autant que possible, ainsi que cela doit être dans toute convention commerciale.

Pour démontrer que le traité du 23 janvier 1860 était réellement inoffensif, il suffit de rappeler qu’il appliquait aux marchandises anglaises désormais admises en France des droits de douane qui ne pouvaient dépasser 30 pour 100 de la valeur jusqu’en 1864 et 25 pour 100 à partir de cette dernière date. La conversion de ces droits à la valeur en droits spécifiques devait être opérée après étude et sanctionnée par une convention additionnelle. Par exception et afin de rassurer immédiatement notre industrie métallurgique, il était stipulé que le droit d’entrée sur les fers anglais serait de 7 francs pour 100 kilogrammes jusqu’en 1864 pour être ramené ensuite à 6 francs. — Voilà le traité. Eh bien ! peut-on taxer d’imprudence, flétrir de trahison un acte qui réservait en principe à notre industrie une protection de 30 ou de 25 pour 100 ? Était-il téméraire de penser, en 1860, qu’un droit aussi élevé suffirait à défendre l’industrie nationale contre toute concurrence ? Comment admettre que, pour la fabrication d’un produit valant 100 francs, il y eût entre l’industrie française et l’industrie étrangère un écart justifiable de 30 francs ou même de 25 francs ? Un droit de 30 pour 100, c’est la prohibition. Aussi, quand les protectionnistes de 1860 réclamaient contre le traité, se gardaient-ils bien d’arrêter