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transportés jusqu’à un petit atelier provisoire organisé en dehors des bâtimens principaux et cédés à un entrepreneur indépendant de la compagnie des Salins. Au moyen d’une disposition empruntée à l’appareil de physique nommé « tourniquet hydraulique, » on les arrose avec de l’eau qu’on a déjà enrichie par le lavage des vieux marcs, puis avec de l’eau pure et on obtient une sorte de piquette[1]. Le résidu final, épuisé de la sorte, est restitué à la compagnie des Salins, qui l’utilise comme engrais.


V

Terminons cette rapide ébauche, au cours de laquelle nous n’avons fait ressortir qu’un petit nombre de points curieux, en notant, comme dernier trait, l’impression définitive et réfléchie qui reste dans l’esprit du visiteur à la suite d’un coup d’œil jeté sur ces immenses vignobles, sur ces vastes constructions.

Il convient d’abord de faire de sérieuses réserves au point de vue artistique et pittoresque. Ni la région en elle-même, ni la culture, ni l’aspect des celliers, ni le travail qui s’y accomplit, n’ont rien d’attrayant pour le touriste superficiel. Mais nous croyons que le savant, l’agronome, l’économiste ou simplement le propriétaire curieux de s’instruire, éprouveront un sentiment différent et favorable à l’institution des grands domaines.

Les uns retiendront avec intérêt les explications qu’on leur aura fournies sur le défrichement de ces terres marécageuses de Marsillargues, de ces flèches littorales sablonneuses réputées stériles autrefois. Ils apprendront avec curiosité comment l’art de l’ingénieur est venu à bout d’en tirer le meilleur parti possible, en luttant sans relâche soit contre l’eau, soit contre la sécheresse, soit contre l’invasion du sel. L’installation des caves, pressoirs et foudres, ne mérite pas moins d’être louée sans réserve. On a beau, sur les bords de la Méditerranée, viser avant tout à produire beaucoup de liquide, il est certain qu’à force de soins intelligens et réguliers, secondés par une propreté minutieuse, l’art de faire le vin a été révolutionné. Là où jadis la vigne ne se cultivait même pas pu ne donnait que des produits de dernier ordre, on récolte maintenant et on livre au commerce des boissons salubres de qualité passable et à bon marché, ou, comme dans les sables, des liquides choisis

  1. Elle pèse 3 degrés 1/2 environ. Les vins blancs de Villeroy ne titrent pas moins de 10 degrés ; aussi sont-ils recherchés par le commerce dans les taux de 35 francs (picpouls) et 30 francs (terrets-bournets).