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d’un remède reconnu depuis dangereux pour les malades. Les députés socialistes viennent de déposer sur le bureau du Reichstag une proposition pour rendre la profession d’apothicaire institution d’État, et transformer M. Purgon en fonctionnaire public. — Enfin, le programme de Gotha inscrivait en tête des revendications futures l’État libre démocratique, freier Volkstaat, en d’autres termes la république. Bebel le déclarait solennellement au Reichstag : — « Nous tendons dans le domaine économique au socialisme, dans le domaine politique au républicanisme, dans le domaine de ce qu’on appelle aujourd’hui religion, à l’athéisme. » — Très révolutionnaires vers 1869, parce qu’ils ne croyaient pas que les choses pussent durer en Allemagne, éternels apologistes de la Commune, dont ils ne veulent chez eux à aucun prix, Bebel et surtout Liebknecht, doués de cette flexibilité nécessaire aux chefs de parti, se gardent bien de prendre une attitude nettement inconstitutionnelle à l’égard d’un empereur populaire, dont l’Allemagne ne peut se passer, car l’institution impériale est la clé de voûte de son unité : — « Devons-nous déclarer, disait récemment Liebknecht, que nous tendons à la république ? Je ne sais. Il va de soi que la république est l’État idéal d’un parti qui combat pour la liberté et l’égalité. Mais n’oublions pas que dans la république bourgeoise le combat des classes est aussi aigu que dans la monarchie. » — La république française, gouvernée par les opportunistes et les radicaux, est présentée avec une injustice flagrante par M. Guesde, correspondant parisien du moniteur officiel du socialisme allemand, comme le régime le plus corrompu que la France ait subi depuis cent ans. — « On nous dit, continuait Liebknecht, que si nous avions la majorité et que l’empereur ne cédât pas, il faudrait pourtant bien que la révolution s’accomplît ? .. Question enfantine ! avant de nous concilier la majorité, une longue période historique sera nécessaire, et le métier de roi tend à devenir si ingrat, qu’alors peut-être les princes n’auront plus envie de régner. Une monarchie peut, d’ailleurs, accorder plus au principe d’égalité qu’une république bourgeoise. N’est-ce pas le baron de Stein qui a appliqué à la Prusse les idées de la Révolution française, obligé les Junkers à céder aux bourgeois ; le prince ne peut-il pas de même obliger les bourgeois à céder aux ouvriers ? En Amérique, une grande révolution sociale, l’abolition de l’esclavage, s’est accomplie au sein de la société bourgeoise… » — Ainsi les chefs du parti font mine de se rallier à cette royauté sociale que préconisait Lassalle, pourvu toutefois qu’elle consente à remplir leurs exigences, dont il est malaisé de fixer le terme. Du moins, ils n’ont pas encore décidé d’une façon claire, devant les électeurs, s’ils croient pouvoir réaliser leur idéal avec la forme césarienne, ou la forme radicale démocratique. La nature du