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sont trop banales pour faire autorité ; les jeux de scène se ressemblent forcément sur tous les théâtres. Quand, rapprochant de part et d’autre les personnages typiques, il s’autorise d’une étymologie, erronée suivant moi, du vidâshaka, le brahmane ridicule qui accompagne le roi, pour l’assimiler à l’esclave corrupteur de la comédie latine ; quand il prétend peser la part d’élémens que, soit la matrona, soit le senex, le père de l’amoureux, auraient fournis dans la comédie indienne au personnage de l’épouse négligée, cette chimie ingénieuse ne me persuade guère. Pour quelques ressemblances dans certains sujets, quel abîme la plupart du temps entre les deux spectacles ! C’est entre le Chariot de terre et les pièces classiques que la parenté semble d’abord le plus étroite. Mais presque tous les traits que l’on relève dans l’œuvre de Çoûdraka trouvent dans la comparaison du roman et du conte un certificat d’origine ou de naturalisation hindoue. Il faut se défier des résumés rapides qui faussent l’impression, en supprimant nombre d’incidens caractéristiques. Ces aventures qui traversent en tous sens le scénario hindou, meurtres, exécutions arrêtées à la dernière minute, révolutions politiques, sont fort étrangères à ces ouvrages sur lesquels les autres élémens en seraient servilement modelés. Entre la pauvreté du brahmane représentée, par un tour bien indien, comme un titre de gloire parce qu’elle est le résultat de ses prodigalités, et les embarras d’argent de l’amoureux antique, la différence va jusqu’à la contradiction.

Et pourtant, même après avoir relu la discussion très serrée de M. Lévi, je ne saurais partager sa sérénité dans la négation.

Je veux qu’il soit naturel par tous pays de couper en actes le spectacle dramatique, encore que la tragédie attique n’ait pas connu cette division. Il reste une particularité curieuse. Le chiffre de cinq actes est donné comme normal pour la grande comédie ; or, en fait, il est partout dépassé. Ne serait-il pas plus naturel de voir dans cette règle une réminiscence du théâtre occidental, que de chercher dans les quatre, sept ou dix actes des pièces connues l’effet d’une analyse pénétrante et d’une savante structure ? Il est bien vrai que le prologue antique est un monologue, le prologue indien une scène dialoguée ; encore y a-t-il dans cette façon commune d’annoncer le sujet, de bien disposer les auditeurs, de louer le poète, une coïncidence si exacte qu’elle surprend d’abord.

Sans contredit, la légende indienne connaît plus d’une scène de reconnaissance, elle l’amène ou la facilite plus d’une fois par des signes matériels. Cependant, ce ressort tient infiniment plus de place sur la scène que dans le conte, et on ne peut s’empêcher de penser à son rôle stéréotypé dans la comédie occidentale. Entre la