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administrée par lui et attachée à son office. Aujourd’hui, tout titulaire, depuis le cardinal-archevêque jusqu’au chanoine, au curé de canton, au directeur ou professeur de séminaire, est nommé ou agréé par le pouvoir civil, lui jure fidélité, et son traitement, inscrit au budget, n’est qu’un salaire d’employé public, tant de francs et centimes qu’il vient toucher à la fin de chaque mois chez le trésorier-payeur, en compagnie d’autres, ses collègues, que l’État emploie dans les cultes non catholiques, en compagnie d’autres, ses quasi-collègues, que l’État emploie dans l’Université, dans la magistrature, dans la gendarmerie ou dans la police[1]. — Tel est, dans toutes les branches de la vie sociale, l’effet universel et final de la Révolution ; dans l’Église, comme dans le reste, elle a étendu l’ingérence et la prépondérance de l’État, non par mégarde, mais avec intention, non par accident, mais par principe[2]. « La Constituante, dit Siméon, avait reconnu avec raison que, la religion étant un des plus anciens et des puissans moyens de gouverner, il fallait la mettre, plus qu’elle n’était, sous la main du gouvernement ; » de là, sa constitution civile du clergé ; « son seul tort fut de ne pas se concilier avec le pape. » A présent, grâce à l’accord conclu entre le pape et le gouvernement, le régime nouveau achève l’œuvre du régime ancien, et, dans l’Église comme ailleurs, la domination de l’Etat centralisateur est complète.


VI

Ce sont là les grandes lignes du nouvel établissement ecclésiastique, et les rattachemens généraux par lesquels l’Église catholique, comme un appartement dans un édifice, se trouve comprise et incorporée dans l’État. Il ne faut pas que, sous prétexte de s’achever, elle s’en dégage ; la voilà bâtie et finie ; rien à côté ni au-delà ; point de constructions collatérales et supplémentaires, qui, par leur indépendance, dérangeraient l’uniformité de l’architecture totale ; point de congrégations monastiques : plus de clergé

  1. D’Haussonville, III, p. 438. (Récit de M. Pasquier, préfet de police.) — Au mois d’octobre 1810, il rencontre dans les corridors de Fontainebleau le cardinal Maury, qui vient d’être nommé archevêque de Paris, et le cardinal lui dit : « Eh bien ! l’empereur vient de satisfaire aux deux plus grands besoins de sa capitale : avec une bonne police et un bon clergé, il peut être toujours sûr de la tranquillité publique ; car un archevêque, c’est aussi un préfet de police. »
  2. Rapport de Siméon au tribunat pour lui présenter le Concordat et les articles organiques, 17 germinal an X. — Désormais, « les ministres de tous les cultes seront soumis à l’influence du gouvernement, qui les choisit ou les approuve, auquel ils se lient par les promesses les plus sacrées, et qui le* tient dans sa dépendance par leurs salaires. »