Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 105.djvu/389

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

perspective parut assez séduisante aux gouvernemens d’Angleterre, de France et de Russie pour les décider, eux aussi, à s’occuper de la question. Des études furent faites en 1864 à l’arsenal militaire de Woolwich ; d’autre part, M. Sainte-Claire Deville, chargé par l’empereur Napoléon III de rechercher la composition et les propriétés des huiles de chauffage, donna des conclusions tout à fait favorables ; il est vrai que le Puebla, bateau construit d’après ses plans, marcha fort mal. En 1870, l’ingénieur russe Kamensky reprit à Bakou les projets du chimiste français en les modifiant quelque peu : il n’eut pas plus de succès. En France et en Angleterre, pays riches en charbon et privé de pétroles, tous les projets de ce genre lurent abandonnés ; en Russie, au contraire, pays riche en pétrole et pauvre en charbon, on ne s’est pas découragé ; on a multiplié les expériences, sacrifié, sans compter, le temps, l’argent et le travail : aujourd’hui cette persévérance est récompensée.

Le mérite et l’honneur de cette découverte revient pour la plus grande part à M. l’ingénieur Chpakovsky, dont l’appareil a servi de modèle à toutes les machines inventées depuis lors. Il eut l’heureuse idée de pulvériser le naphte dans la boîte à feu et d’en élever la température en y faisant circuler un courant de vapeurs chaudes, dont la présence déterminait l’inflammation du naphte au contact de l’oxygène atmosphérique. Dès 1870, M. Lenz, ingénieur en chef de la compagnie de navigation « Caucase et Mercure, » envoyé officiellement en France pour étudier les travaux de Sainte-Claire Deville et d’Aydon[1], avait inutilement essayé de les mettre en pratique sur le bateau Darjavine : ce furent les idées de Chpakovsky qui lui permirent de perfectionner son appareil, tant et si bien qu’il finit par supplanter l’inventeur lui-même et que c’est aujourd’hui l’appareil de Lenz qui est adopté pour la flotte de guerre de la Caspienne. Perfectionné depuis par Benkston, Brandt, Karapetof, Nobel, etc., il se compose essentiellement de deux tuyaux disposés horizontalement l’un au-dessous de l’autre et pénétrant tous les deux dans la boite à feu ; le premier amène la vapeur chauffée, le second l’huile de naphte, dans le pulvérisateur ; l’huile, qui est séparée du pulvérisateur par une paroi trouée comme une pomme d’arrosoir, y pénètre en gouttes, et là le jet de vapeur la vaporise à son tour ; au contact du feu, elle s’enflamme. Grâce à la force d’injection, la flamme atteint de grandes dimensions et chauffe toute la boîte, surtout si l’on a la précaution de la rendre

  1. M. Aydon, Anglais, a voulu partager avec Chpakovsky la gloire d’avoir inventé le système à pulvérisateur.