Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 105.djvu/391

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette différence qu’à Brooklyn, c’est du pétrole raffiné qu’on emploie, tandis que sur la Caspienne le masude suffit et même est préférable, à cause de l’élévation relative de son flashing-point, A Bakou, la tonne de masude coûte 3 ou 4 francs, dix fois moins cher que le charbon, tient deux fois moins de place et chauffe trois fois plus : le chauffage est plus rapide, le masude ne laisse pas de cendres ; 5 à 10 pouds, suivant les machines, sont employés par heure et par cheval-vapeur. Ce sont là d’incontestables avantages. En vain a-t-on essayé, en se fondant sur des préjugés populaires, de soutenir que le naphte brut s’enflamme à très basse température ; sans doute, le flashing-point en est inférieur à celui du masude, mais il ne s’abaisse pas au-dessous de 45 degrés, et peut être du reste considérablement élevé si on le laisse quelques jours au contact de l’atmosphère dans les étangs de Balakhané ; l’emploi en est donc absolument inoffensif.

A l’Exposition universelle de 1889, j’ai remarqué deux intéressantes applications du pétrole à la navigation : non-seulement le pétrole y était employé à chauffer la chaudière, mais c’étaient aussi des vapeurs d’hydrocarbures qui mettaient le piston en mouvement, et, après avoir été condensées, revenaient dans le réservoir général. Le pétrole y était donc à la fois agent de chauffage et de locomotion. L’idée d’employer des vapeurs facilement liquéfiables n’est pas neuve ; en France, dès 1856, on connaissait le système du Tremblay, où la vapeur d’éther et la vapeur d’eau agissaient parallèlement dans deux cylindres indépendans. Le système fut adopté avec empressement pour la construction de quelques bateaux qui faisaient le service entre Alger et Marseille, et abandonné plus vite encore pour des motifs de sécurité et d’économie : le prix de l’éther est très élevé ; et, d’autre part, les vapeurs qui fuyaient formaient avec l’oxygène de l’air des mélanges détonans. Dans les deux appareils de l’Exposition universelle, tous ces inconvéniens ont disparu : l’embarcation de M. Jarrow file huit nœuds à l’heure ; au moteur et au générateur, qui sont placés à l’arrière, la caisse, placée à l’avant, et qui contient une provision d’essence pour un parcours de 200 milles, fait un contrepoids suffisant ; le milieu du navire est complètement réservé aux passagers et à leurs bagages. L’appareil est léger, propre, peu encombrant, d’alimentation peu coûteuse, puisqu’il suffit, par heure, de 6 lit. 8 à 0 fr. 16 le litre, et surtout sans aucun danger ; les presse-étoupes sont disposés de telle façon que, si quelques vapeurs fuyaient, elles seraient ramenées au condenseur par de petits tubes, et d’ailleurs la vapeur serait trop dilatée pour être combustible.

L’autre embarcation, celle de MM. Escher Wyss et Cie, est très employée aux États-Unis. Le principe est le suivant : le