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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 105.djvu/449

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une suppression de force motrice, comme à toute introduction d’idée répond une production de mouvement.


L’hypnotisme confirme encore une dernière conséquence de la loi des idées-forces, qui veut que toute idée non contre-balancée par une autre apparaisse comme une réalité, soit projetée immédiatement dans le monde extérieur. A l’état de monoïdéisme, de même que la conscience est réduite tout entière à une sensation, de même le monde extérieur est tout entier réduit à une image. De là les hallucinations des hypnotiques. Toute hallucination qui leur est suggérée semble vivre d’une vie propre et se développer par le ressort intérieur des associations d’images répondant aux associations de mouvemens. Vous faites boire au sujet, sous le nom de Champagne, un verre d’eau vinaigrée, il trouve le Champagne excellent et finit même par présenter tous les signes de l’ivresse. Inversement, une ivresse réelle peut être dissipée par suggestion. Un flacon d’ammoniaque présenté comme eau de Cologne prend une odeur délicieuse ; une poudre noire présentée comme prise de tabac, ou même simplement l’idée du tabac, provoque l’éternuement. L’hallucination suggérée peut être suivie d’une image consécutive, comme si c’était une sensation réelle : suggérez l’hallucination d’une croix rouge sur du papier blanc, le sujet, en regardant une autre feuille de papier, verra une croix verte. La vibration cérébrale a donc produit un courant centrifuge dans les nerfs optiques. L’hallucination peut être doublée par un prisme ou un miroir, amplifiée par une lentille ; tracez un trait sur une carte blanche et dites au sujet que c’est la photographie de Victor Hugo, il apercevra la photographie. Placez une loupe sous les yeux du sujet, il verra la photographie grossir ; le prisme la lui fera voir double. M. Binet explique ces faits par le « point de repère » que fournit le petit trait noir tracé sur la carte et qui est devenu le noyau de l’hallucination. M. Binet pense même que toute hallucination a ainsi un point de repère extérieur et a son origine dans quelque trouble de l’organe du sens ; ce qui nous paraît une exagération. Les phénomènes hypnotiques prouvent précisément que des images toutes cérébrales peuvent être projetées sous forme d’objets réels.

Inversement, des sensations réelles peuvent être abolies par la seule idée qu’elles n’existent pas. On peut arracher des dents, amputer un bras, en affirmant au sujet endormi qu’il ne sent rien. On peut abolir la sensation de la faim : un patient est resté ainsi quatorze jours sans nourriture. Sa foi seule le nourrissait. La force de l’idée, et de la croyance qui accompagne nécessairement toute