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retentissaient plus ou moins dans la conscience. Chez les animaux inférieurs, les fonctions rudimentaires du cœur et de la respiration ne s’accomplissent point, comme chez nous, d’une façon tout automatique : elles se produisent, à des intervalles plus ou moins réguliers, sous l’influence directe d’appétits relatifs à la nutrition, par conséquent sous une influence mentale en même temps que physique. Chez certains hommes, les battemens du cœur sont encore soumis à la volonté et peuvent être suspendus. De même, nous pouvons tous suspendre volontairement le rythme devenu automatique de la respiration. Nous ne remarquons point les sensations produites par les battemens normaux du cœur et par la respiration normale ; mais ces sensations, aujourd’hui affaiblies, n’en existent pas moins dans la conscience générale, confondues avec la masse des autres sensations. A l’origine, il est probable que la conscience de l’animal était avertie de tous les incidens de sa vie végétative, non pas seulement de ceux qui se rapportent à la vie de relation : il avait le sens du corps plus développé et plus différencié ; il sentait son existence, il sentait le travail des glandes ; il percevait tous ses chargemens internes, en jouissait ou en souffrait. Chaque mouvement, en un mot, s’accompagnait d’un sentiment quelconque et d’une représentation plus ou moins confuse ; d’autre part, toute représentation mentale était inséparable d’un mouvement effectué dans les membres. Encore aujourd’hui, tous nos organes et tous les mouvemens de nos organes ont leurs représentons au cerveau dans des idées actuelles ou possibles, distinctes ou indistinctes, séparées de la masse ou confondues dans la masse ; ils exécutent leur partie dans le concert vital de la conscience. Notre cœur n’est pas seulement dans notre poitrine, il est aussi dans notre tête, par l’idée même que nous en avons, par les cellules cérébrales avec lesquelles l’innervation nerveuse le met en rapport. Aussi l’idée d’un mouvement ou d’un repos dans l’organe est-elle, comme nous l’avons reconnu, le premier stade de la réalisation du mouvement ou du repos[1].

On voit qu’en supprimant la vie de relation, qui n’a plus d’autre ouverture sur le dehors que l’idée introduite par l’hypnotiseur, l’hypnotisme doit surexciter le sens du corps et de toutes les parties du corps qui dépendent du système nerveux. Une personne est menacée d’une bronchite : elle ressent des chatouillemens dans la poitrine et des envies de tousser ; de petits coups frappés ça et là

  1. « Pendant une opération dentaire, dit M. Delbœuf, en attachant mon esprit sur cette idée que la sécrétion salivaire ne se produirait pas, j’ai pu la suspendre pendant un temps relativement assez long. » Ce fait n’est pas plus surprenant que celui des pleurs à volonté chez certaines femmes.