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subsiste l’humanité, avec ses rêves, ses émotions passionnelles, ses espérances indéterminées. » Et cela, me semble-t-il, pourrait être mieux dit ; mais cela se comprend, cela est clair, cela est un programme, — sinon une doctrine ; — Cela s’entend de soi, presque sans qu’on y réfléchisse, et pour peu qu’on ait lu les romans de M. Lucien Descaves, ou ceux de M. Henry Fèvre, ou ceux de M. Jean Ajalbert : Sous-Offs, l’Honneur, En Amour, etc.

Cependant, consultés là-dessus par un reporter du Gaulois, les confrères de M. Prévost s’indignent ou se moquent. « Le roman romanesque ! est-ce que tous les romans ne sont pas romanesques ! » Ainsi s’écrie l’un d’eux, qui croit peut-être que les siens le sont. Mais quoi ! toutes les comédies sont-elles donc si comiques ? N’en avons-nous pas connu de sentimentales ou de larmoyantes ? et depuis tantôt vingt ans les naturalistes n’ont-ils voulu rien dire quand ils ont demandé que l’on expulsât le romanesque du roman ? D’autres ont affecté de croire que le romanesque, c’était « la chaise de poste, » « l’échelle de cordes ; » les romans de M. Richebourg ou ceux de M. du Boisgobey : la Main coupée, le Crime de l’Opéra, Cornaline la dompteuse ; et pourquoi pas aussi ceux de M. de Montépin ou de feu Ponson du Terrail ?.. Mais, tous ou presque tous, ce qui les a surtout blessés, — dirai-je dans le « manifeste, » ou dans la « réclame » de M. Marcel Prévost ? — C’est que ce jeune homme ait osé dire publiquement de son roman, à lui, ce qu’ils pensent intérieurement des leurs ; et rien, à cet égard, n’est plus amusant que de voir dans leurs interviews le regret ou le dépit percer sous leur indignation. Ah ! s’ils avaient su !.. Mais ils n’ont pas su ; ou ils n’ont pas pu ; ou ils n’ont pas réussi. Et, en attendant, ce que chacun d’eux a le plus soigneusement évité, ç’a été de s’expliquer sur la question qu’on lui posait. Ou plutôt, à l’exception d’un ou deux, ils se sont tous entendus sur un point, et ce point, c’est que la question n’existant pas, il n’y a pas lieu de s’occuper plus longtemps du roman romanesque, de la Confession d’un amant, et de M. Marcel Prévost.

J’ose ne point partager cet avis.

M. Marcel Prévost ne manque ni de talent, ni surtout d’adresse : à quoi, si j’ajoutais qu’il ne manque pas d’ambition, ce ne serait pas pour le lui reprocher. Il veut réussir ; c’est son droit ; et ce l’est même encore d’en prendre les moyens qui sont ceux de son temps. Pour un article qu’il a mis dans le Figaro sur le Roman romanesque moderne, combien M. Zola, jadis, en a-t-il mis, où il composait sa réclame de tout ce qu’il disait d’injurieux à ses rivaux de popularité ? Personne, d’ailleurs, ne regrettera d’avoir lu la Confession d’un amant, et M. Marcel Prévost, dans un prochain roman, n’aura qu’à ne pas tomber au-dessous de lui-même. Dût-il y tomber, qu’est-ce que cela ferait à la vérité des idées qu’il exprime ? et, — je vais plus loin, — sa Confession