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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 105.djvu/787

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des « religieux. » — Le chapitre XII interdisait les «sermens solennels, » sauf dans certains cas. Les tertiaires s’en autorisèrent pour refuser de se lier par serment à un seigneur, une famille, une faction. — Le chapitre XIII instituait une cotisation, destinée à former une caisse commune. En donnant « un denier, » l’artisan et le laboureur avaient un capital à leur service pour créer une industrie ou pour acheter les terres d’un noble ruiné. Le prolétaire sortait de son isolement, et les grands allaient apprendre à leurs dépens la puissance de l’association.

Le peuple se rua dans le tiers-ordre. Le royaume de Dieu promis par les moines mendians s’annonçait par des réalités. Des millions de bras se tendirent vers la perche de salut, et l’on compta, en Italie, ceux qui n’étaient pas affiliés à la confrérie libératrice. Saint François avait enrôlé les premiers tertiaires en 1221, dans une vallée écartée de la Toscane. Six ans plus tard, à l’avènement de Grégoire IX au trône pontifical, la lutte du tiers-ordre contre la féodalité italienne était générale. Les évêques[1], n’espérant plus de secours du côté de Rome, écrivaient à l’empereur Frédéric II : « Les frères mineurs... se sont élevés contre nous ; ils ont condamné publiquement et notre vie et nos principes ; ils ont brisé nos droits et nous ont conduits au néant. Et maintenant, pour avoir plus de facilité à énerver notre empire et pour éloigner de nous le dévoûment de chacun, ils ont créé de nouvelles communautés qui embrassent universellement les hommes et les femmes. Tous y accourent, et à peine trouverait-on une personne dont le nom ne soit inscrit sur leurs listes. » La démocratie italienne est sortie du petit cahier où saint François d’Assise avait tracé sous les yeux d’un politique de génie les règles d’une pacifique société pour prier et jeûner.

Il acceptait modestement la direction du cardinal Hugolin, qui travaillait avec une adresse n’excluant point la sincérité à exécuter ce que le plus poète des saints avait rêvé. Les mineurs qui se mêlaient de lui donner des avis le trouvaient moins docile. Le succès avait tourné la tête à quelques frères, qui reprochaient à leur chef de ne pas tirer parti de la victoire. Il dépendait d’eux d’égaler la fortune des bénédictins, de posséder des Cluny et des Mont-Cassin, de savans docteurs, des dignitaires marchant avec des cortèges de rois, et leur fondateur les condamnait à croupir dans la misère et l’ignorance. Le vicaire-général de l’ordre, Élie de Cortone, excitait les mécontens,

  1. Cette lettre se trouve dans le recueil des lettres du chancelier Pierre de la Vigne. M. l’abbé Le Monnier croit pouvoir la reporter à l’épiscopat italien, et ses raisons paraissent très plausibles.