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franchement libérales et par sa haute situation sociale, M. Balmaceda n’eut pas grand’peine à obtenir, en vue des élections présidentielles de 1886, non-seulement les sympathies, mais aussi le ferme appui du président antérieur. Mais si cet appui assura son élection, il fut aussi la cause d’une division profonde du parti libéral. La fraction la plus avancée et la plus indépendante de ce parti n’hésita pas à combattre M. Balmaceda, en raison de l’origine officielle de sa candidature et de son caractère nerveux et variable. Le parti conservateur aussi se montra hostile à M. Balmaceda, mais l’influence officielle l’emporta une fois de plus, et le président actuel montait au pouvoir le 18 septembre 1886.

M. Balmaceda inaugura son gouvernement par une politique habile : il conviait tout le monde à l’apaisement et, au bout de quelques mois, il pouvait s’appuyer sur toutes les nuances du parti libéral. Son gouvernement s’ouvrait ainsi sous les meilleures auspices et rien ne faisait prévoir les orages postérieurs. Les choses marchèrent assez bien jusqu’au commencement de 1889, date à laquelle tout le monde s’apercevait que le ministre de l’industrie et des travaux publics, considéré jusqu’alors comme le membre le plus modeste et, pourrait-on dire, le plus inoffensif du cabinet, prenait toutes les allures d’un dauphin ; ses avis étaient toujours prépondérans dans les réunions du conseil des ministres et il jouissait d’une grande faveur dans les entretiens privés du président. A l’occasion d’un voyage dans les départemens, ce ministre prit la parole et développa tout un vaste programme de travaux publics (construction d’écoles primaires et industrielles, chemins de fer, prisons, etc.), programme que ses collègues du ministère accueillirent avec une certaine surprise. Enfin, d’autres faits de moindre importance se produisirent, et le parlement et le pays purent constater que M. Balmaceda ne cachait pas son intention de mettre toute son influence au service de la candidature de son ministre de l’industrie, M. Enrique Sanfuentes, lors des élections présidentielles de 1891.

Un semblable dessein en faveur d’un homme qui pour la première fois arrivait à une fonction publique, et n’était connu jusqu’alors que par son heureuse chance dans les opérations de Bourse, ne pouvait que rencontrer une résistance sérieuse. La fraction du parti libéral qui avait combattu l’élection de M. Balmaceda, grossie de la moitié des anciens partisans de celui-ci, sans se déclarer en hostilité ouverte, essaya de ramener M. Balmaceda dans la bonne voie. A la suite de ces efforts, plusieurs changemens ministériels eurent lieu. L’influence de M. Sanfuentes semblait mise à l’écart, mais en réalité elle ne faisait que sommeiller, prête à se réveiller. Le temps marchait, et M. Balmaceda