et sa réputation dans les cours étrangères, d’où, en échange de ses ouvrages, il recevait de beaux présens… »
Ai-je besoin de dire qu’il n’y a pas un mot qui soit vrai là dedans ; pas une « note » qui soit juste ; pas une ligne qui ne suffise à classer celui qui l’a écrite fort au-dessous de Fréron ! Mais ce que Marmontel a le moins compris, c’est que l’admiration de la « multitude » plaçât l’Histoire naturelle au-dessus de Bélisaire ou de la Bergère des Alpes, ou c’est encore que l’on eût besoin, pour l’écrire, de se retirer du milieu des beaux esprits de Paris, du salon de Mme Geoffrin ou du baron d’Holbach. Lui, qui ne travaillait que pour égayer les après soupers de « la charmante comtesse de Brionne, » ou de « la belle marquise de Duras, » ou de « la jolie comtesse d’Egmont, » il n’a pas compris qu’un homme de lettres travaillât d’une autre manière, et moins encore qu’un savant pût préférer sa science à tripoter dans les affaires d’amour du « fastueux » La Popelinière, ou de « l’enchanteur » Bouret, ou du roi de France lui-même. Que ne s’abstenait-il donc de parler de Buffon ? ou, s’il en voulait parler, que ne la lisait-il, au moins, cette Histoire naturelle, dont vous diriez qu’il n’a connu que les parties rédigées par Guéneau de Montbeillard et par l’abbé Bexon ?
Il n’a pas non plus mieux parlé de Rousseau.
« Après le succès qu’avaient eu dans de jeunes têtes ses deux ouvrages couronnés à Dijon ; — notez en passant, pour l’amour de l’exactitude, qu’on n’a pas couronné le second, et de beaucoup le plus fort des deux : le Discours sur l’origine de l’inégalité ; — Rousseau, prévoyant qu’avec des paradoxes colorés de son style, animés de son éloquence, il lui serait facile d’entraîner après lui une foule d’enthousiastes, conçut l’ambition de faire secte ; et, au lieu d’être simple associé de l’école philosophique, il voulut être chef et professeur unique d’une école qui fût à lui, mais, en se retirant de notre société, comme Buffon, sans querelle et sans bruit, il n’eût pas rempli son objet. Il avait essayé pour attirer la foule de se donner un air de philosophe antique : d’abord en vieille redingote, puis en habit d’Arménien, il se montrait à l’Opéra, aux promenades, dans les cafés ; mais ni sa petite perruque sale et son bâton de Diogène, ni son bonnet fourré n’arrêtaient les passans. Il lui fallait un coup d’éclat pour avertir les ennemis des gens de lettres, et singulièrement de ceux qui étaient notés du nom de philosophes, que Jean-Jacques Rousseau avait fait divorce avec eux. Cette rupture lui attirerait une foule de partisans ; et il avait bien calculé que les prêtres seraient du nombre. Ce fut donc peu pour lui de se séparer de Diderot et de ses amis : il leur dit des injures, et par un trait de calomnie lancé contre Diderot, il donna le signal de la guerre qu’il leur déclarait en partant. »
Je me reprocherais d’oublier le mot de la fin. Aussitôt que la société des holbachiens, comme on les appelait, fut privée de l’importune