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interdire le mariage par voie légale, comme l’ont proposé les radicaux de l’hygiène. En dehors de la question de principe et d’équité, ce serait les rejeter dans le concubinage et augmenter encore les chances de mort de leur lignée, car la mortalité des enfans illégitimes est bien plus grande que celle des autres. La seule chose qui soit rationnelle et possible, c’est d’éclairer les familles sur les dangers de ces unions, au point de vue de l’hérédité et de la contagion.

J’ai toujours été surpris de l’imprévoyance avec laquelle on traite la question de santé lorsqu’il s’agit de mariages. Elle ne passe qu’après toutes les autres. C’est à peine si l’on prend à ce sujet quelques informations, dont on néglige même souvent de tenir compte, et cependant quelle triste destinée que celle des jeunes ménages au foyer desquels la tuberculose vient s’asseoir, où l’un des conjoints est destiné à passer ses plus belles années près d’un malade qui s’éteint lentement, avec la perspective de voir ses enfans succomber de même, sans compter la crainte personnelle de devenir phtisique à son tour ! C’est au médecin à prémunir les familles contre un pareil danger ; mais, de toutes les missions qu’il est appelé à remplir dans le cours de sa difficile carrière, c’est la plus délicate, celle qui demande le plus de tact, de circonspection et de prudence.

La question de l’alimentation a beaucoup moins d’importance que celles que j’ai traitées jusqu’ici. Beaucoup de médecins pensent même que les chances de contracter la tuberculose par cette voie sont trop faibles pour justifier les mesures qu’il est question de leur opposer. Il y a toutefois une différence à faire entre le fait et la viande. Le fait est considéré par la plupart des hygiénistes comme étant suspect au plus haut point. Le fait a donné lieu à de longues discussions dans le détail desquelles il m’est impossible d’entrer, mais qui peuvent se résumer par cet arrêt du congrès de la tuberculose, qui a été sanctionné par l’Académie de médecine : « Le fait de vache ne doit être consommé que bouilli. » Des recherches récentes ont prouvé du reste que, si l’ébullition lui fait perdre quelques-unes de ses qualités nutritives, elle en rend la digestion plus facile. Le fait cru se prend en masse en arrivant dans l’estomac, tandis que le fait bouilli donne naissance à un coagulum composé d’une foule de grumeaux plus facilement accessibles à l’action du suc gastrique.

En ce qui concerne la viande, les avis sont partagés. Il est extrêmement rare que les muscles renferment des bacilles. Il paraît cependant qu’on en a rencontré quelquefois dans les ganglions intermusculaires ; or, la viande de bœuf se mange saignante, et, pour atteindre ce degré de cuisson, elle n’a pas besoin d’être élevée à