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gloire et les bénéfices d’une grande découverte, et le savant s’inclina.

Nous ne comprenons guère en France ni un pareil ordre, ni une pareille obéissance ; mais, de l’autre côté du Rhin, on comprend et on obéit. C’est ainsi que le docteur Koch a été conduit à faire au congrès de Berlin la communication prématurée qui a causé tant d’émotion parmi les savans ; c’est sous l’influence de la même pression qu’il a transporté trop tôt ses expériences du laboratoire dans les hôpitaux, et qu’il a publié d’une manière hâtive des résultats insuffisamment observés. Enfin, c’est encore pour obéir aux ordres reçus qu’il a gardé le secret sur la nature de son remède. Le ministre de l’instruction publique l’a déclaré lui-même au Landstag prussien, en prenant la responsabilité à son compte. L’État s’est approprié le monopole de la vente sous prétexte d’empêcher les contrefaçons.

Cette façon commerciale de traiter une question scientifique n’avait pas de précédens et ne pouvait qu’indisposer l’opinion médicale contre le professeur de Berlin. Elle avait pour les médecins français un inconvénient d’un autre ordre. La loi interdit chez nous la préparation, la vente et l’emploi des remèdes secrets. Les confrères qui, dans leur zèle, expérimentaient la lymphe de Koch sur les malades des hôpitaux, avec leur consentement, ne s’en exposaient pas moins à se voir réclamer des dommages-intérêts par les familles, s’il leur advenait, dans le cours du traitement, un de ces malheurs auxquels il fallait s’attendre.

La question fut portée à la Faculté de médecine de Paris, devant le conseil des professeurs, et le doyen se chargea de faire les démarches nécessaires pour aplanir ou pour tourner la difficulté. Les circonstances lui ont épargné cette peine. Avant que la lenteur des formalités administratives lui eût permis d’entrevoir une solution, la lumière s’était faite ; l’enthousiasme avait fait place au doute, puis au découragement, et les expériences avaient cessé. Hâtons-nous de dire qu’elles n’ont pas été aussi désastreuses en France qu’en Allemagne.

L’engouement pour la découverte de Koch a été de courte durée. Au début, les expériences ont paru confirmatives. Partout, on a constaté l’effrayante énergie de cette substance pyrétogène, plus puissante que le venin des plus redoutables serpens ; partout on a constaté l’intensité parfois excessive de la réaction. On a même observé une amélioration momentanée dans quelques cas de lupus de la face ; mais, quant à la tuberculose pulmonaire, même au début, les injections n’ont jamais fait que l’aggraver et, souvent, elles ont provoqué l’apparition des phénomènes