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Le 7 avril, la division se mit en marche. Nous avions reçu l’ordre d’aller rejoindre, en Estramadure, les deux autres divisions du 1er  corps, qui, avec la division allemande Levai, avaient remporté sur l’armée espagnole la célèbre victoire de Medellin.

Nous arrivâmes le 19 à Mérida, où se trouvaient le quartier-général du maréchal Victor et ses deux autres divisions. A notre arrivée, les officiers de la 2e division furent, en corps, faire une visite au maréchal duc de Bellune. Il nous parla de la bataille de Medellin avec beaucoup de modestie, et à juste titre, car il avait fait tout ce qu’il fallait pour la perdre. Voici son récit : « Je savais que le général Cuesta était, depuis trois jours, en position à Medellin, avec 50,000 hommes. Puis on m’écrivit qu’il s’était retiré. Je me mis en marche, le croyant parti. J’envoyai le général Sémélé, mon chef d’état-major, avec de la cavalerie, à Mérida, pour y établir nos logemens.

« Je fus bien étonné, après avoir passé la Guadiana sur le pont de Medellin, d’apercevoir les Espagnols en bataille et en très bon ordre. La division allemande et la 3e division étaient déjà engagées. Je donnai l’ordre de repasser le pont. Heureusement l’on ne m’obéit pas, et c’est ce qui nous a donné la victoire. »

Nos camarades confirmèrent ce récit et y ajoutèrent ce qui suit : « Comme l’on commençait le mouvement de retraite, un caisson d’artillerie se brisa sur le pont et l’encombra. Alors le général Lasalle, commandant la cavalerie, les colonels Lacoste du 27e léger, Mouton-Duverney du 63e, Gombette du 94e, Pêcheux du 95e, prirent sur eux de marcher à l’ennemi. Ce mouvement jeta la terreur dans les rangs des Espagnols et amena la victoire la plus complète. Les ennemis se débandèrent, suivis par toute notre cavalerie, qui en sabra un très grand nombre. Quatorze mille hommes furent, en une heure, jetés sur le carreau. On fit peu de prisonniers parce que, au commencement de l’action, et comme les Français commençaient leur mouvement de retraite, les Espagnols massacrèrent des prisonniers à la vue de l’armée, en criant : « Aujourd’hui, point de prisonniers. » Déjà, en arrivant sur le champ de bataille, nos soldats avaient vu des cadavres, criblés de coups, accrochés aux oliviers, c’étaient des hussards du 4e régiment, tombés aux mains des Espagnols quelques jours auparavant ; 62 chasseurs à cheval avaient subi le même sort. Nos soldats, exaspérés, ne firent, à leur tour, point de quartier. Une grande