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Cependant, les gouvernemens qui avaient eu jusque-là leurs coudées franches virent de mauvais œil ce nouveau droit populaire, et ils ne négligèrent rien pour en paralyser l’exercice. C’était à qui trouverait une procédure compliquée ou quelque autre moyen d’en détourner les coups. A Saint-Gall, il fallait de telles formalités pour obtenir une consultation au scrutin que le veto législatif devenait pour ainsi dire une garantie illusoire ; à Bâle-campagne, la simple majorité des voix n’était pas suffisante pour infirmer une décision prise par les autorités constituées ; il fallait pour cela les deux tiers des suffrages.

Mais le peuple suisse était résolu à ne pas abdiquer un instant devant les hommes qu’il avait lui-même élevés sur le pavois. Le dépit qu’il lui arrivait souvent de ressentir de mesures mal conçues ou visiblement dictées par des intérêts de parti ou de camaraderie, l’excitait à réclamer une extension de ses attributions primordiales. La faculté de plébisciter l’œuvre du législateur gagne petit à petit la presque totalité des cantons, et pénètre aussi dans le droit public fédéral. Parallèlement, la nouvelle prérogative populaire se débarrasse de bien des restrictions dont l’avaient entourée les gouvernemens. Signalons pourtant ici une disposition qui a été assez généralement conservée et qui réclame une amélioration sérieuse. Nous faisons allusion à certaine clause dite d’urgence, applicable, à titre d’exception, à toute loi ou arrêté, et qui a pour effet de les soustraire au referendum. Il y a là, pour le législateur, un moyen de ruser et d’escamoter ce qu’il ne pourrait obtenir par les voies ordinaires. On en viendra probablement, ou bien à spécifier plus exactement dans quels cas il peut y avoir urgence, ou bien à n’autoriser la déclaration d’urgence que si elle a été décrétée, non à la majorité simple, mais à celle des deux tiers des voix, comme c’est le cas à Neuchâtel, ou même plus encore, des trois quarts par exemple.

Pour aider à la clarté de notre exposition, nous n’avons jusqu’ici parlé que du referendum entendu dans le sens d’un referendum facultatif. Mais il n’a pas toujours ce caractère. Certains cantons, dont les deux plus importans de la Suisse, Berne et Zurich, ont jugé que ce n’était point encore assez de mettre le peuple en état d’évoquer à lui, quand il en éprouve le désir, les décisions prises par les assemblées élues. Ils ont voulu lui laisser le dernier mot sur toutes les lois votées, sur toutes les mesures de quelque importance. Au referendum facultatif, ils ont substitué le referendum obligatoire, pouvant s’exercer chaque fois qu’il y a lieu ou à époques fixes.

Le referendum obligatoire heurte souvent à la porte de la plupart