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peut, en effet, en déposant son propre bulletin, remettre aussi celui d’un ou de deux parens ou amis, sur la simple présentation de leur carte d’électeur.

Mais voici encore une nouvelle conquête démocratique qui, plus que toute autre, quelques obstacles d’ailleurs que dressent sur la route les craintes vagues des uns, les intérêts alarmés des autres, nous paraît assurée d’un lendemain plus ou moins prochain. Nous voulons parler de la représentation proportionnelle.

Ce n’est pas d’aujourd’hui que la représentation proportionnelle alimente les discussions en Suisse. Elle a déjà donné lieu, dans la première moitié de ce siècle, à des controverses prolongées ; mais ce terme était pris dans un autre sens que celui qu’il a revêtu plus tard.

La représentation proportionnelle a désigné d’abord un rapport fixe entre le chiffre des électeurs et celui des députés à élire, cela en opposition à certains systèmes qui assuraient plus que leur dû à certaines circonscriptions, d’ordinaire le chef-lieu, ou qui établissaient d’avance le partage des sièges entre catholiques et protestans. La représentation proportionnelle répondait donc alors à l’idée de l’égalité de droits entre tous les membres de la famille politique.

A notre époque, on entend par là, comme on sait, un système électoral qui assure aux différentes opinions en présence une part de représentation correspondant à leur force numérique. Au lieu de déclarer que la liste qui, dans chaque collège, compte le plus fort contingent de voix, enlève tous les sièges disputés, on admet que chaque liste concurrente est appelée à participer à la représentation nationale au prorata du nombre de suffrages qu’elle atteint. Une liste qui aurait réuni la moitié des voix exprimées serait assurée de la moitié de la représentation ; réduite au tiers ou au quart de l’ensemble des suffrages, elle obtiendrait encore le tiers ou le quart des sièges. Il n’y a plus, par conséquent, le soir de la bataille, un vainqueur qui s’en retourne les mains pleines et des vaincus complètement dépouillés ; il y a partage à l’amiable et dans un esprit de justice de l’enjeu de la journée. C’est la fin de l’écrasement obligatoire.

Nous n’entreprendrons pas la défense de la représentation proportionnelle. Nous entendons bien les reproches que l’on peut lui adresser à divers points de vue. Que voulez-vous que nous fassions d’un système qui permettrait aux ennemis jurés de nos institutions, aux hommes que nous combattons à outrance, de pénétrer de droit dans les corps élus ? s’écrieront ses adversaires dans les pays, comme la France, où la forme même de l’État est encore en