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Si j’ai cru devoir choisir ce passage parmi tant d’autres, ce n’est pas seulement qu’il nous montre Bossuet en pleine possession de son idée maîtresse, mais encore c’est que l’on y voit la promesse des applications qu’il en va faire, et qui vont remplir maintenant trente ans de son existence. « Ce que peut l’hérésie, combien elle est naturellement indocile et indépendante, combien fatale à la royauté et à toute autorité légitime, » c’est l’Histoire des variations des églises protestantes. Mais « quand ce Dieu a choisi quelqu’un pour être l’instrument de ses desseins, » la manière dont « il enchaîne, ou il aveugle, ou il dompte tout ce qui est capable de résistance, » n’est-ce pas l’idée du Discours sur l’histoire universelle ? Et l’un et l’autre, c’est toujours aussi l’idée de la Providence. Or, si les protestans n’avaient pas attaqué l’Histoire des variations, nous n’aurions ni les Avertissemens aux protestans, ni les deux Instructions pastorales sur les promesses de l’Église, ni l’Explication de l’Apocalypse. Nous n’aurions, d’autre part, ni la Défense de la tradition et des saints pères, ni les deux Instructions sur la traduction du Nouveau-Testament publiée à Trévoux, ni tant d’autres écrits, s’il n’avait fallu défendre contre les « libertins, » et contre les « critiques, » le Discours sur l’histoire universelle. Mais l’Histoire des variations soulève tant de questions particulières, et d’un autre ordre, qui ne se rattachent qu’indirectement à celle que nous examinons, qu’on ne s’étonnera pas si, de ces deux grands ouvrages, puisque le choix en est libre, nous nous attachons de préférence au Discours sur l’histoire universelle.


III

Nous n’avons pas sans doute à justifier, contre tant de vaines critiques dont il a été l’objet, mais auxquelles, d’ailleurs, nous voyons qu’il ne laisse pas d’avoir assez heureusement résisté, le plus célèbre, et presque le plus achevé des ouvrages de Bossuet. Qui croirait qu’on lui a sérieusement reproché, dans un Discours qui se termine à l’avènement de Charlemagne, de n’avoir pas parlé de l’Amérique ? Un autre s’est plaint qu’il eût passé Mahomet sous silence, comme si Bossuet, à deux reprises, et notamment à la fin du livre, n’avait pas renvoyé de parler de Mahomet et de l’islamisme à un autre Discours ! On ne saurait discuter, selon le vieil adage, avec ceux qui ne conviennent pas des principes ; et nous, que pouvons-nous répondre à des critiques dont le premier soin semble avoir été de ne pas lire l’ouvrage qu’ils voulaient critiquer ? Nous attendrons qu’ils l’aient lu.

Quant au reproche de n’avoir pas tenu les promesses de son titre, et, par exemple, dans une Histoire universelle, de n’avoir traité ni