Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 106.djvu/682

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se déclare ; » et qu’il ne montre quelquefois des effets sensibles de sa puissance, « que pour nous convaincre de ce qu’il fait en toute occasion plus secrètement. »

Mais, dira-t-on, — et on le disait ou on l’insinuait déjà du temps de Bossuet, — si ce « rapport des deux Testamens » était l’œuvre des hommes ? Si les évangélistes, pour établir que Jésus était le Messie, lui avaient d’eux-mêmes appliqué ce qu’il était dit du Messie dans les prophètes ? Et si les prophètes n’en étaient pas, au sens chrétien du mot, c’est-à-dire si leurs prophéties étaient postérieures aux faits que l’on veut qu’ils aient prédits ? Ou si Moïse encore n’était pas l’auteur des livres qui nous sont parvenus sous son nom ? C’est le grand problème de la moderne exégèse, et l’on a l’air communément de croire que Bossuet ne l’aurait pas vu, ni seulement soupçonné. Lorsque Richard Simon, ce prêtre de l’Oratoire, qu’on appelle volontiers « le père » ou « le fondateur » de l’exégèse biblique, ayant achevé d’imprimer, en 1678, son Histoire critique du vieux Testament, voulut la faire paraître, « la rage de Bossuet contre l’investigateur qui venait déranger ses belles phrases éclata comme un tonnerre, » nous dit-on ; et dans cette occasion mémorable il donna la mesure de son intolérance et de son « étroitesse d’esprit. » Mais je regrette, en vérité, pour cette « belle phrase, » que, très loin d’être irrité que Simon dérangeât les siennes, et même de pouvoir l’être, Bossuet, qui jusqu’alors n’avait presque rien publié, les ait précisément écrites pour répondre à Richard Simon. Deux longs chapitres de la seconde partie du Discours ne tendent justement qu’à cette fin. En même temps qu’aux « libertins, » Bossuet a parfaitement vu la nécessité de répondre aux « critiques ; » ou plutôt il a reconnu en eux les pires ennemis de sa religion. De telle sorte que, cette seconde partie, commencée par une réfutation du Traité théologico-politique et de l’Éthique de Spinosa ; continuée par une exposition ou une apologie de la religion, dont le dessein résume à la fois celui des Pensées de Pascal et de la Démonstration évangélique de Huet, se termine par une réponse directe à l’Histoire critique du vieux Testament, de Richard Simon.

Au docte et subtil hébraïsant, dont je ne me permettrais de contester ni l’orthodoxie ni la science, mais qui commençait presque par déclarer dans son Histoire : « qu’il y a toujours lieu de douter si le sens qu’on donne aux mots hébreux est véritable, puisqu’il y en a toujours d’autres qui ont autant de probabilité, » Bossuet oppose d’abord le raisonnement.


Laissons les vaines disputes et tranchons en un mot la difficulté par le fond. Qu’on me dise s’il n’est pas constant que de toutes les