Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 106.djvu/837

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

troupe va exécuter un de leurs opéras, Philémon et Baucis. Mlle des Enclos, M. Bastaran, artistes de la musique du roi, représentaient Philémon et Baucis, tandis que Buterne, Visé, Forcroy, La Fontaine, Desjardins, Descoteaux, etc., composaient les chœurs. L’opéra de Matho fut, tout d’une voix, déclaré admirable.

Malézieu composa plusieurs pièces pour son théâtre : Purgopolinice, capitaine d’Êphèse, les Importuns de Chastenay, la Tarentule, le Prince de Cathay, divertissement orné de musique et destiné à rappeler la fondation de l’ordre de la Mouche à miel. Le prince obtenait l’honneur insigne d’être reçu chevalier et prononçait le serment consacré : « Je jure, par les abeilles du Mont Hymète, fidélité et obéissance à la directrice perpétuelle de l’ordre (la duchesse du Maine) ; de porter toute ma vie la médaille de la Mouche et d’accomplir, tant que je vivrai, les statuts de l’ordre, et, si je fausse mon serment, je consens que le miel se change pour moi en fiel, la cire en suif, les fleurs en orties, et que les guêpes et les frelons me percent de leurs aiguillons. » C’est dans la Tarentole[1] que la princesse monta pour la première fois sur la scène ; elle devait apprendre bien d’autres rôles, aborder les genres les plus divers, jouer tous les personnages : Molière et Quinault, Genest et Marivaux, Malézieu et Mme de Staal, tous étaient son domaine et sa proie, tous relevaient de sa mémoire, de sa présomption ; elle s’en tirait passablement pour une altesse, mieux, en tout cas, que cette pauvre Marie-Antoinette, qui jouait royalement mal et chantait si faux.

La Tarentole, comédie-ballet mêlée de danses, récits et symphonies, fut représentée en 1705. Dans une galerie basse, de plain-pied avec le jardin, trois tables de vingt couverts, servies avec magnificence, attendaient la plus brillante compagnie. Après le dîner, on passa dans une autre galerie, et le jeu et la conversation menèrent jusqu’à sept heures. Alors on descendit au jardin, où la salle de spectacle était formée par une tente dont l’intérieur était décoré de feuillages verts fraîchement découpés, entrelacés avec art et éclairés par une infinité de bougies. Au fond, un théâtre de vingt-cinq pieds carrés, cintré de verdure et de festons, avec un grand portique de verdure et deux moindres qui l’accompagnaient

  1. M. Guillaume Guizot a bien voulu nie communiquer le manuscrit inédit de la Tarentole et des Importuns de Chastenay. Dans l’une de ces pièces, Malézieu s’inspire du Malade imaginaire et du Médecin malgré lui ; dans l’autre, des Fâcheux. Quelques scènes sont assez amusantes, trop souvent scatologiques : purgations, clystères, leurs accessoires et conséquences y jouent un rôle éminent, et la joie que faisait éclater l’auditoire devant cette littérature éclaire certains aspects moraux de la haute société.