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En revanche, Mmes de Pompadour, de Marchais et M. de La Salle firent merveille dans le Devin de village, qui, d’après d’Argenson, coûta plus de 50,000 écus au moment même où l’on ne payait plus aucuns gages dans la maison du roi.

Cependant les spectacles de Bellevue se faisaient plus rares qu’à Versailles ; l’auditoire semblait trop peu nombreux, le zèle se ralentit, la troupe s’égrenait peu à peu et tombait à rien. Aux opéras, aux comédies succédèrent les concerts, les feux d’artifices. Le théâtre de la marquise venait de durer six années consécutives : une tragédie, dix-huit comédies, trente et un opéras, dix ballets, en tout soixante ouvrages, dont plusieurs furent joués cinq et six fois, témoignaient de l’activité de la fondatrice. Après l’avoir créé de toutes pièces, elle l’avait soutenu de son ardente volonté ; abordant tous les genres, interprétant les œuvres de Molière, Quinault, Destouches, Gresset, Voltaire, Sainte-Foix, La Chaussée, Dancourt, Dufresny, Lulli, Campra, Mondonville, Rameau, etc. Elle avait étendu de tous côtés son influence, affermi sa conquête, et, devenue de fait premier ministre, elle jouait, contre l’honneur et la grandeur de la France, le rôle de maire du palais d’une monarchie tombée en quenouille. Mais, hélas ! qui donc, parmi les hommes politiques du XVIIIe siècle, a été le maître de l’heure, qui donc a commandé aux événemens ?


IV

On entre au théâtre de Trianon par une porte encadrée de deux colonnes ioniques, avec un Ironton triangulaire, d’où s’élance Apollon sous la forme d’un enfant couronné de laurier et brandissant une lyre. La salle de spectacle est blanc et or, décorée avec goût, la voussure percée de douze œils-de-bœuf entre lesquels des Amours font la chaîne avec des guirlandes de fleurs et de fruits ; les balustres, piédestaux en brèche violette, les sièges, les appuis des balcons et des loges en velours bleu. Dans la partie centrale de l’avant-scène, deux Muses couchées portent l’écusson de la reine ; à chaque coin, deux nymphes soutiennent un grand cornet garni de soleils, de roses, de lis, au milieu desquels brillent quatre-vingt-onze flammes de bougies. Tout autour des Grâces et des Muses, dans un Olympe de nuages, le peintre Lagrenée a fait voltiger des Amours au plafond[1].

  1. Adolphe Jullien : la Comédie à la cour de Louis XVI ; J. Baux, éditeur, in-4o. — Mémoires de Mme Campan, de Bachaumont, de Fleury. — Métra, Correspondance secrète. — Recueil manuscrit de chansons de 1744 à 1782, t. VIII, Archives du département de Seine-et-Oise. — Correspondance secrète de Mercy-Argenteau avec Marie-Thérèse, 3 vol. ; Firmin-Didot. — De Goncourt, Histoire de Marie-Antoinette. — Lettres du chevalier de l’Isle au prince de Ligne. — G. Desjardins, le Petit-Trianon. Versailles, 1888. — Pierre de Nolhac, la Reine Marie-Antoinette ; Boussod et Valadon. — Souvenirs de la baronne d’Oberkirch, 2 vol. — Duc de Lévis, Souvenirs et Portraits. — Geffroy, Gustave III et la cour de France.