anges, je n’ai eu d’autre but que de prêcher l’Évangile et ses promesses divines, en venant dans le pays où j’ai été esclave. Qui m’y a forcé ? N’est-ce point par amour, n’est-ce point par pitié pour cette nation que je travaille ? » — La moitié des chefs prit parti pour Patrice ; mais le roi le fit jeter en prison. Cependant, quand il voulut le faire brûler, Brigitte, la fille du druide Dubtak, qui avait l’habitude de suivre son père dans les festins en jouant de la harpe et en chantant les vieux héros, s’avança devant le bûcher qui allait consumer Patrice et dit : « Écoutez-moi. Je connais l’herbe de joie (la verveine) qui produit l’union des cœurs ; je connais la fleur d’or (le sélage) qui ouvre les yeux et l’esprit sur l’avenir ; mais cet homme possède une fleur mystérieuse qui sauve de la mort ; il connaît l’herbe de la vie éternelle. Si vous le brûlez, qu’on me brûle avec lui ; car j’ai vu son dieu crucifié ; il m’a terrassée de sa douleur ; il m’a foudroyée de sa gloire ! »
La prophétesse celtique était devenue la voyante du Christ, et l’âme frémissante de tout un peuple la suivait. Mais le roi Laégaïr ne se donna pas pour battu. Il dit au druide Dubtak : « Permettras-tu que ce magicien séduise l’âme de nos filles ? Va lutter avec lui sur la montagne des aigles et que nos dieux le terrassent. » Le druide et le saint gravirent la montagne appelée Frontière des héros, où des aigles gardent les tombeaux des géans. Au geste de Dubtak, une nuée d’aigles se mit à tournoyer autour de Patrice avec des cris sauvages comme pour le déchirer. Mais ils ne purent l’approcher. Alors le ciel s’obscurcit ; le tonnerre gronda ; les pierres sacrées de la montagne tremblèrent, et dans les brèches de la tempête apparurent les faces livides des héros d’autrefois. Leurs fantômes semblaient irrités, leurs yeux farouches. Ils brandissaient des lances, des harpes et des boucliers dans un long frisson de colère ; et ces figures menaçantes paraissaient et disparaissaient comme de blêmes éclairs.
« Si vous le pouvez, dit Dubtak, chassez l’homme funeste. » Mais Patrice étendit la main ; cinq rayons en sortirent. Fantômes, nuages et tempête se dissipèrent pour faire place au ciel étoile d’une chaude nuit d’été. Un parfum de roseraies s’échappa de la montagne et un vol de colombes blanches passa. Du fin fond du firmament une étoile s’approcha brillante comme un soleil. — « Est-ce le monde splendide habité par ton dieu ? dit le druide. — C’est le trône d’où il est descendu, dit Patrice. C’est l’étoile des mages qui entraîne le monde. Elle a montré l’enfant divin aux sages d’Orient et d’Occident. Par son rayon d’amour le Verbe divin est descendu sur la terre ; par ce même rayon tu peux remonter jusqu’à lui. Regarde ! et tu le verras transfiguré dans sa gloire. » Le druide voulut regarder l’étoile, mais elle était devenue si fulgurante qu’il ne put