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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 106.djvu/908

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commencement de 1811, il désespérait de forcer ces positions formidables et de jeter les Anglais à la mer, tant qu’une autre armée française n’attaquerait pas Lisbonne par la rive gauche du Tage. L’empereur avait destiné à cette opération l’armée d’Andalousie et avait envoyé à ce sujet au maréchal Soult des ordres péremptoires. Forcé d’obéir, Soult s’était mis lentement en mouvement avec le seul corps du maréchal Mortier, puis il s’était bientôt arrêté, sous prétexte de faire le siège de Badajoz. Ce siège, mollement conduit au début, fut lent. La place capitula le 11 mars, c’est-à-dire plusieurs jours après les événemens que nous allons raconter.

Les Anglais avaient parfaitement compris les dangers que pouvait leur faire courir la réunion de deux armées françaises devant Lisbonne, opérant simultanément sur les deux rives du Tage. Ils avaient résolu de donner à l’armée d’Andalousie tant d’occupation dans le Midi, entre Murcie, Grenade, Gibraltar et Cadix, que le maréchal Soult ne pourrait, eût-il pris Badajoz, aller appuyer Masséna.

En Italie, Murat devait, pour achever la conquête de son royaume, se rendre maître de la Sicile qu’occupaient les Anglais. Par malheur, au commencement de février 1811, Murat laissa trop voir qu’il renonçait à cette expédition. Les Anglais aussitôt avaient tiré de Sicile 4,000 ou 5,000 hommes de leurs meilleures troupes, qu’ils avaient amenés à Gibraltar. Ces troupes, jointes à quelques autres qui étaient déjà à Gibraltar, s’étaient établies au camp de San-Roque, où l’on avait réuni une vingtaine de mille hommes, c’est-à-dire 8,000 ou 9,000 Anglais et 12,000 Espagnols.

Notre corps d’armée (le 1er corps), alors seul devant Cadix, avait été fort affaibli par les pertes du siège et les maladies de l’été précédent, et il ne pouvait mettre en ligne que 8,000 hommes tout au plus.

Il devait être soutenu, il est vrai, par le 4e corps (Sébastiani), qui avait ordre de se tenir entre Grenade, Séville et Cadix. Les Anglais, pour nous priver de cet appui, imaginèrent d’envoyer le corps d’armée espagnol du général Black menacer Murcie, et, pur malheur, le général Sébastiani, donnant dans le piège, y avait couru aussitôt avec la plus grande partie du 4e corps.

Ainsi, le 1er mars 1811, les deux maréchaux Soult et Mortier étaient devant Badajoz, le corps de Sébastiani était à Murcie, Victor devant Cadix.

L’armée d’Andalousie se trouvait éparpillée sur une étendue