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« préfère les départemens aux provinces. » En même temps, néanmoins, il y a chez ce Toulousain ému des événemens, une sagacité naturelle, un premier fonds d’expérience et de raison avisée, une promptitude singulière à saisir les affaires et même à les deviner. C’est ainsi qu’il tombe, élu de la veille, dans cette vie nouvelle de Paris, au lendemain de la Restauration, dans ce monde exaspéré, frémissant, — dont il va être avant peu l’un des chefs.


II

On entre ici dans l’action, au plus vif de ce drame où une majorité nommée pour affermir la monarchie dans ses conditions nouvelles commençait par l’ébranler. C’est l’histoire de cette première session de 1815 qui, à dire vrai, créait une situation fausse pour tout le monde : fausse pour les exaltés eux-mêmes qui, en croyant être les plus fidèles serviteurs du roi, devenaient bientôt une opposition presque factieuse ; fausse pour le gouvernement qui, à défaut de l’appui de ses redoutables amis, se trouvait conduit à se rapprocher des libéraux, des « modérés de tous les temps et de toutes les révolutions, » de tous ceux qui prenaient pour programme la réconciliation de la vieille royauté et de la France nouvelle.

A peine arrivé à Paris et jeté dans la fourmilière royaliste, M. de Villèle ne laissait pas de démêler la vérité des choses. Il voyait, non sans quelque secrète anxiété, tous ces députés nouveaux bien intentionnés, mais fougueux dans leurs opinions, indépendans jusqu’à l’indiscipline, disposés à tous les ombrages, à tous les emportemens. Il sentait l’incohérence et le danger d’une situation où des hommes dévoués, ils le croyaient ainsi, se défiaient du roi et de ses ministres, qui à leur tour se défiaient d’eux, et il écrivait à son père qu’il avait laissé à Toulouse : « Nous avons la majorité dans notre chambre ; mais les dispositions du roi et du ministère rendent notre position bien pénible. » Se reconnaître dans cette confusion, passer à travers toutes ces complications d’intérêts et de passions dans une assemblée novice, était difficile, et c’est là justement que le député de Toulouse commençait à entrer dans son rôle. Dès sa première apparition à la tribune, — c’était dans un débat où il avait l’occasion de défendre ses idées préférées sur les franchises locales et provinciales, — il avait frappé l’attention par la lucidité de son esprit, par la netteté simple et décidée de sa parole : « A merveille, lui disait le chevaleresque Hyde de Neuville, au moment où il descendait de la tribune, continuez ainsi, vous serez d’une grande utilité pour notre cause ! » Et maintenant, à mesure