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Pendant vingt-cinq ans, la Banque de France, représentée par trois succursales, a été un facteur de premier ordre dans le développement de l’Alsace-Lorraine. Ses procédés, sa pratique étaient connus et aimés, le commerce s’y était fait, si bien que, lorsque la Banque de Prusse vint prendre sa place, elle ne put se soustraire à la politique inaugurée par elle. On introduisit cependant de nouveaux principes, mais il fallut, même sur ce terrain, tenir compte de l’attachement patriotique des annexés à d’anciens souvenirs et de leurs sentimens.

La Banque de France a été le point central vers lequel convergeait tout le système de crédit, la source inépuisable dans laquelle les banques et les banquiers puisaient les ressources pour satisfaire aux besoins du commerce et de l’industrie. On sait que la Banque a besoin d’un intermédiaire entre elle et les cercles qui demandent du crédit ; il n’y a pas de relation directe entre elle et le preneur de crédit, placé au bas de l’échelle. Il existait plusieurs degrés : les banquiers, les agens de change qui facilitaient les transactions entre les banques, et entre celles-ci et le public.

M. de Lumm fait observer que la circulation des effets est plus considérable en France que dans d’autres pays. Le négociant y trouve souvent son avantage à prendre un effet en échange de sa fourniture, au lieu de débiter l’acheteur sur ses livres. Le détaillant, l’artisan paie les produits nécessaires à son commerce ou à son métier avec un billet à ordre à courte échéance. Le vendeur peut mobiliser le crédit qu’il a donné, en escomptant le billet de l’acheteur : celui-ci travaille avec son crédit et lorsqu’arrive l’échéance, il peut payer avec le produit de la vente. Le commerçant en France a besoin, comme fonds de roulement, d’un capital en argent moindre que celui qui est nécessaire dans les pays où prévaut le système du débit dans les livres, où l’on accorde des crédits à longue échéance. L’avantage, c’est d’habituer à payer à date déterminée, de donner au vendeur le moyen de procéder sommairement, dans le cas où l’échéance n’est pas tenue.

Cette pratique a eu une grande influence sur le nombre et le montant des effets en France. Elle a eu pour conséquence d’y développer les affaires d’escompte bien au-delà du mouvement de l’Allemagne. En Alsace-Lorraine, la circulation d’effets a toujours été plus considérable que de l’autre côté du Rhin, non-seulement par le montant total, mais encore par le nombre des effets. L’usage du crédit avait pénétré plus avant, l’organisation en était plus étendue.

En 1840, le commerce dans la Basse-Alsace avait pris une si grande importance, qu’on réclamait avec insistance la fondation