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cas, ce ne seraient pas les catholiques ; ils ont trop à gagner au respect de la liberté de conscience. Ce qu’ils demandent, c’est qu’on leur accorde, sans arrière-pensée, la balance égale ; je serais presque tenté de dire, les immunités du franc jeu. À ce prix, — ou je me trompe fort, — ils ne refuseront pas d’admettre, sincèrement et du fond du cœur, que la tolérance religieuse a été une des plus belles conquêtes du monde moderne.

La chose, à vrai dire, n’est pas venue toute seule ; la reconnaissance du principe nouveau a été singulièrement pénible. Les provinces unies des Pays-Bas se sont vues obligées d’endurer quatre-vingts années de guerre pour établir sur une base enfin inébranlable leur autonomie. C’est assurément une des pages les plus intéressantes des annales politiques de l’Europe, une des pages les plus instructives de l’histoire de la marine à voiles.

« La guerre d’Espagne m’a perdu, » disait Napoléon à Sainte-Hélène. « Sans la révolte des Flandres, eût pu dire Philippe II, j’aurais conquis l’Angleterre. » L’expédition de 1588 eût très probablement, en effet, présenté de tout autres résultats, si Philippe II avait encore eu à sa disposition, comme jadis Charles-Quint, la marine agile et à faible tirant d’eau qui, sous les ordres de Justin de Nassau, retint bloquée dans le port de l’Écluse la flottille destinée au transport de l’armée du duc de Parme[1]. Singulière coïncidence, qui ne laisse pas d’éveiller l’attention ! Notre impuissance maritime en 1870 n’eut pas, elle aussi, d’autre cause que la lourdeur massive et monumentale de notre flotte. Je l’avais prédit deux mois avant l’ouverture des hostilités. M. Louis Reybaud le rappelait, non sans quelque tristesse, au milieu des angoisses du siège de Paris[2].

Un éminent critique, me voyant poursuivre avec acharnement l’histoire de la marine à travers les âges, me conseillait, il y a quelques années, de m’en tenir aux « points lumineux. » J’éprouve, au contraire, un penchant invincible à rechercher dans les profondeurs du passé les points restés jusqu’ici obscurs. Ce n’est peut-être pas toujours sans profit que je me suis efforcé de les mettre à leur tour en lumière. Les points lumineux, tout le monde les connaît ; ce sont des sommets que le premier voyageur venu a gravis. Descendons, au contraire, au fond des vallées ; nous y trouverons des trésors ignorés du vulgaire, des enseignemens qui nous feront remonter à l’origine des choses. Ruyter et Tromp sont peut-être les plus imposantes figures de l’histoire navale. Au

  1. Voyez dans la Revue du 15 novembre 1874, la Grande Armada.
  2. Voyez dans la Revue du 1er janvier 1871, la Marine au siège de Paris, par Louis Reybaud.