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venait d’assurer à Gravelines, le 13 juillet, la prépondérance de l’Espagne. Un long avenir de paix semblait garanti aux Flandres. Les Flandres n’en étaient pas seulement redevables aux vieilles bandes espagnoles ; elles pouvaient, avant tout, en remercier leurs enfans. Aussi avec quel orgueil, avec quels accens joyeux et reconnaissans, les poètes néerlandais s’appliquaient-ils à célébrer à l’envi ce triomphe !

« O Brabant ! chantaient-ils, belle, heureuse et féconde mère, mère d’une foule savante et d’un peuple pieux, accepte la couronne que t’apporte Van der Noot : il l’a gagnée avec son épée dans le combat. Si Egmont vit encore, c’est à Van der Noot qu’il le doit. Intrépide, vigoureux et brillant de jeunesse, Egmont avait poussé son cheval au plus profond des bataillons français. Il se voit bientôt entouré, assiégé par la foule, qu’il a traversée d’une façon sanglante. Il lui faut soutenir un combat sans merci. Mais Van der Noot accourt : « Courage, mon bon seigneur ! Nous aurons honneur et butin. » Et soudain Van der Noot se range près d’Egmont pour combattre avec lui. Tels qu’on voit deux lions assaillis avec des cris de joie et de grandes clameurs par de grossiers paysans, au lieu de fuir devant les flèches pointues, devant les fusils, devant les arcs, devant les épieux, faire face à l’ennemi, qui se flatte de les accabler, ainsi les deux héros se débattent au milieu des bandes françaises. Le cheval d’Egmont tombe à terre mortellement blessé. Les cavaliers crient au vaillant seigneur : « Rendez-vous ! votre cheval est mort et vous vous.trouvez en détresse ! »

Remarquez, maintenant, un trait de fidélité, digne de louange s’il en fut jamais ! Quand Van der Noot vit Egmont à pied, après la mort de son cheval, il lui dit d’une bouche sincère : « Ne craignez rien, camarade, et ne gémissez pas pour si peu. Sautez sur mon cheval. Ce cheval, désormais, est le vôtre. » Il se jette à terre, sans s’inquiéter des Français qui l’entourent ; Egmont, de son côté, saute lestement en selle. — O action fidèle et audacieuse ! — Des deux mains, Van der Noot saisit la queue du cheval. Van der Noot et Egmont traversent ainsi les rangs ennemis en combattant toujours fortement. Par une inspiration heureuse, Van der Noot a maintenant tourné la queue du cheval autour de sa main gauche, couverte de blessures ; de la main droite il manie avec avantage son épée. Comme deux vigoureux chiens courans qui volent à travers un verger, faisant tomber les fruits sur leur passage, on voit courir ces deux hommes, et de chaque côté les Français rouler renversés à terre.

Pendant qu’ils combattent, arrivent les Bourguignons, pour