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dépenses militaires, leurs économies sont, il est vrai, momentanées plutôt que permanentes et impliquant l’abandon résolu de la politique belliqueuse. Ce sont néanmoins des économies, et, à cet égard, le programme ministériel est en réalité respecté.

La sincérité ministérielle a-t-elle été égale en ce qui a trait à la question de la triple alliance ?

La question, si je ne me trompe, doit se poser ainsi : le nouveau ministère ou, pour mieux préciser, le nouveau président du conseil, ministre des affaires étrangères, trouvait-il, dans ses opinions personnelles, et peut-être aussi dans quelque engagement antérieur, l’obligation d’un parti pris de renouveler la triple alliance en tout état de cause ? Ou bien M. le marquis di Rudini, désormais mieux éclairé par l’expérience sur les inconvéniens de la triple alliance, mieux pénétré du courant de l’opinion du pays qui tend manifestement à la repousser, a-t-il espéré trouver dans les manifestations de l’esprit public un pivot pour évoluer ? A-t-il espéré y retrouver des argumens qui lui permissent, soit de résister aux pressions de la couronne (si tant est que la couronne ait manifesté ses préférences, comme d’aucuns sont portés à le croire), soit de justifier, aux yeux des deux puissances alliées de l’Italie, la nécessité où celle-ci se voyait de renoncer à leur alliance ?

Un moment, ceux qui étaient en situation de suivre de près les agissemens du ministère ont penché pour cette seconde hypothèse. M. di Rudini, il est vrai, avait cru, en se présentant devant le parlement, à la séance du 1A février, devoir exprimer en même temps qu’un vœu de « concorde avec la France » une déclaration de « fidélité solide aux alliances. » Mais cette déclaration, dans sa vague expression, pouvait être interprétée comme la parole d’un chef de gouvernement désirant se montrer correct envers tous d’une manière générale. D’ailleurs, l’Italie était encore liée par un traité existant ; le nouveau gouvernement pouvait difficilement ne pas faire, dans sa première communication aux chambres, une allusion à ce lien. L’essentiel était qu’il n’eût rien dit qui pût être interprété dans un sens favorable à un renouvellement. L’illustre et regretté M. Jacini, dans son dernier article de la Nuova Antologia, article auquel sa mort, arrivée peu après, donne la haute valeur d’un testament politique, qui détruit de fond en comble le principe de la triple alliance, ne s’est-il pas cru lui-même obligé de dire ? « Il faut observer fidèlement les pactes internationaux. Nous sommes liés encore pour un an aux puissances centrales, et, jusqu’à l’échéance du traité, nous devons maintenir nos engagemens. Sur ce point, il ne peut y avoir de divergences d’avis[1]. » La déclaration du nouveau chef du cabinet pouvait

  1. Nuova Antologia, livraison du 16 février 1891, p. 681.