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une condition susceptible de gagner la faveur de ce même public ; mais l’on comprend tout aussi bien que le gouvernement auquel cette proposition s’adressait ait cru de sa dignité de la repousser.

Autre était le cas de la seconde alternative. Ici le refus du gouvernement italien était moins explicable. L’Autriche, depuis trois ans déjà, a publié son traité d’alliance avec l’Allemagne. L’Europe sait que, par le préambule de ce traité, les deux puissances contractantes se sont « solennellement promis de ne vouloir jamais attribuer aucune tendance agressive à leur convention purement défensive ; » que, « si l’un des deux empires est attaqué par la Russie, les deux contractans sont obligés à se secourir avec leur force militaire tout entière… » (art. 1er) ; mais que (art. 2), dans le cas où l’un d’eux viendrait à être attaqué par une autre puissance que la Russie, — sans nommer la France, c’est évidemment le cas d’un conflit franco-allemand qui est prévu ici, — les obligations de son allié se réduisent à « observer, pour le moins, une neutralité bienveillante envers l’autre contractant. » C’est seulement dans le cas où la puissance assaillante serait soutenue par la Russie, que s’impose aux deux alliés « l’obligation du secours mutuel avec la force armée tout entière stipulée dans l’article 1er… »

Le cabinet de Vienne, en publiant ce traité, a voulu évidemment rassurer la France, et il y a réussi pleinement. Le traité austro-allemand est de nature à n’inspirer aucune inquiétude au cabinet de Paris. En effet, pour que, en cas de guerre avec l’Allemagne, la France eût quelque chose à craindre, militairement, de l’Autriche, il faudrait la réunion de cette double condition : 1° que la France prît l’initiative d’une agression contre son adversaire de 1870, ce dont aucun Français ne voudrait entendre parler ; 2° que la Russie prît part, militairement, au conflit résultant de cette agression, ce qui était fort douteux à l’époque de l’avènement du cabinet Rudini, et l’est peut-être encore aujourd’hui après les fêtes navales de Cronstadt et le splendide accueil fait aux marins français à Saint-Pétersbourg comme à Moscou.

Pourquoi donc l’Italie se refusait-elle à faire, pour le plus grand bien de ses relations politiques et économiques avec la république voisine, une chose que l’Autriche avait faite spontanément, par pur sentiment de convenance internationale, et sans y avoir été sollicitée à aucun degré ? Fallait-il en déduire que les obligations qui la liaient à l’Allemagne étaient de celles qui ne pourraient être connues en France sans y provoquer une explosion d’appréhensions et de colères ? Fallait-il en conclure que ces obligations étaient exorbitantes au point de devoir rester éternellement secrètes, selon l’opinion du prince de Bismarck, disant dans une entrevue : « Quant au traité de la triple alliance, il ne sera jamais