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s’imposait à lui. Il devait toujours et quand même se trouver obligé de prendre une attitude de protestation contre toute tentative révolutionnaire italienne tendant à en violer les stipulations. Cela étant, le rôle de l’Angleterre était tout tracé. Elle n’avait qu’à pousser les Italiens dans la voie de la révolution, pour s’attirer leur gratitude et pour exciter leurs colères contre la France. Elle s’arrêtait par momens dans cette voie, enrayée en quelque sorte des conséquences possibles de son œuvre ; comme par exemple, lorsque lord John Russell, dans sa dépêche du 26 novembre 1859, recommandait, au lieu de l’annexion de la Toscane et des Romagnes au Piémont, la fusion de ces deux territoires avec le duché de Modène, pour en former un a État central. » Cette halte s’explique facilement : l’Autriche menaçait de recommencer la guerre. Mais ce n’était qu’une halte. La politique de l’Angleterre avait, pour ruiner l’influence de la France en Italie, un auxiliaire déterminé dans la France elle-même, la France, qui avait posé à Villafranca le principe de non-intervention et ne cachait nullement son intention formelle de reprendre les armes pour empêcher que le résultat de ses victoires vînt à être compromis. Ainsi la politique anglaise reprenait facilement haleine et poursuivait son cours, jusqu’à ce qu’un nouveau cas d’obstacle surgît. C’est ce qui se produisit lorsque, à la suite de son voyage en Prusse où il accompagnait la reine Victoria, et des entrevues qu’il eut à Coblentz avec M. de Schleinitz, lord John Russell, alarmé des dangers de complication que semblait révéler l’attitude concertée de la Prusse et de la Russie, rédigea sa dépêche du 31 août 1860. Dans ce document, le foreign office n’hésitait pas à appeler l’attention du cabinet de Turin sur les périls de la politique révolutionnaire à laquelle il prêtait la main ; il le conjurait notamment de ne pas s’attaquer à la Vénétie, l’avertissant qu’en ce cas il considérerait a comme justes les représailles de l’Autriche, puisque cette puissance combattrait pour l’intégrité de son territoire et la réhabilitation de son honneur militaire. »

Mais deux mois ne s’étaient pas écoulés, que le langage du cabinet de Saint-James changeait encore ; et le même lord J. Russell, dans sa dépêche du 26 octobre suivant, refusait hautement de s’associer « à la censure sévère avec laquelle l’Autriche, la Prusse, la Russie et la France avaient blâmé les actes du roi de Sardaigne. »