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toujours la situation même que les élections venaient de créer et sur laquelle M. de Villèle ne se faisait que peu d’illusions ; s’il avait tenté un coup hardi qu’il croyait nécessaire, il n’était pas homme à engager un conflit à outrance. Dès la première heure, il avait mis les portefeuilles du ministère à la disposition du roi, ouvrant ainsi la crise décisive. Le roi, que les élections avaient attristé et troublé, était pour sa part plein de perplexités. Au fond, il aurait voulu garder M. de Villèle, il hésitait à accepter sa démission; mais autour de lui, parmi ses familiers les plus intimes et les gens de cour effrayés par les élections, il y avait tout un travail contre le président du conseil, une impatience visible de « faire place nette à toutes les ambitions, à toutes les prétentions, à toutes les convoitises. » Tantôt le roi se rattachait à l’idée de limiter la crise, en conservant M. de Villèle, en se bornant à un changement partiel ; tantôt il paraissait résigné à abandonner M. de Villèle et il cherchait des combinaisons nouvelles. Un instant il avait l’idée de mettre un ancien ambassadeur, M. de Talaru, à la tête des affaires, et il chargeait même M. de Villèle de la négociation. M. de Talaru se hâtait de refuser et répondait vivement : « Ah ! le roi vous lâche et il voudrait que je prisse votre place. Comptez donc sur son appui ! Je ne serai pas si fou, je n’en ferai rien ! » Partagé entre toutes les influences, entre mille sentimens divers, le roi ne savait que décider, parce qu’en réalité il n’avait aucune idée. Un mois entier, — le mois de décembre 1827, — se passait en petites agitations et en négociations confuses. Les intrigues étaient partout, à la cour où M. de Polignac avait ses partisans, dans le monde où les Talleyrand, les Pasquier, les Molé, sans parler de M. de Chateaubriand, se remuaient et se reprenaient à l’espérance.

Ce qu’il y a d’assez caractéristique dans cet imbroglio des partis, c’est l’attitude et le rôle du président du conseil lui-même. Depuis que la crise était ouverte, M. de Villèle restait silencieux. S’il avait eu un instant l’idée de refaire son ministère en écartant M. de Peyronnet qui n’avait pas été réélu, M. de Clermont-Tonnerre qui s’était compromis par ses pressions religieuses sur l’armée, il n’avait pas tardé à se défendre de cette dernière tentation. Il s’était retranché dans la plus complète réserve, et par un retour singulier, dans cette retraite où il attendait sans trouble le dénoûment, il redevenait l’objet de toutes les sollicitations, des obsessions qui l’assaillaient de toutes parts. Il écrivait à son fils: « Tranquillise-toi... Je suis fermement décidé à me retirer de cette galère, seulement je veux le faire sans nuire au service public et sans manquer à ce que je me dois à moi-même... Figure-toi qu’en ce moment nous sommes assaillis de propositions de la part des défectionnaires et