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femmes galantes. En 1587, l’évêque de Saint-Asaph est accusé de malversation. On découvre qu’il n’a pas moins de seize sources de revenu et que les sommes exorbitantes qu’il en tire sont secrètement envoyées par lui et mises à l’abri en Angleterre.

Alors parut un apôtre qui entreprit de mettre un terme à tous ces malheurs. John Penry, Gallois de naissance, mais avant successivement passé par Oxford et par Cambridge, s’éprend pour ses compatriotes d’un zèle dont aucun obstacle ne refroidira désormais la brûlante ardeur. Il parle, on l’écoute, et partout il commande le silence d’un geste imposant de patriarche. Bientôt, c’est dans un pamphlet qu’il déverse le courroux et l’indignation de son âme. Il s’adresse à Elisabeth et au parlement, il représente avec force à ces deux moitiés de la souveraineté britannique l’état d’abandon spirituel où est tombé le pays de Galles. De tous côtés, ce ne sont que ténèbres et désolation ; la chaire est déserte, s’écrie-t-il, le clergé ne réside même plus à son poste, il est immoral, rapace, cruel, volontairement ignorant des besoins et de l’idiome du peuple. L’affliction générale est à son comble, que le pouvoir prenne garde à l’exaspération populaire ! Il continue et ses conclusions enflammées sont portées à la barre de l’assemblée par un des membres de la députation locale. L’insuccès de sa protestation pouvait-il être douteux? Le livre est aussitôt saisi, l’auteur jeté en prison; mais il était de ces esprits fortement trempés qu’aucune persécution ne décourage ou n’effraie. Libéré, il recommence; il semble qu’il ait soif de tortures et qu’il entrevoie, très haut, hors de la portée du regard des hommes, une main visible pour lui seul, prête à déposer la couronne sur sa tête enfiévrée de martyr. Il publie ses exhortations « aux sujets et aux lieutenans de Sa Majesté dans la principauté, » et il s’exprime avec plus de véhémence que jamais : « O évêques de Galles, vous savez et tout le pays sait aussi que vous avez appelé aux fonctions sacrées des vagabonds, malandrins et batteurs d’estrade qui ont choisi le saint ministère pour s’y réfugier et y commettre en paix leurs péchés. Vous les avez autorisés à célébrer le culte, n’ignorant pas qu’ils étaient voleurs, blasphémateurs et adultères. Si vous continuez de tolérer leur présence et d’affamer les âmes de vos brebis innocentes, dites, oserez-vous affirmer encore que vous avez quelque considération pour la gloire du Seigneur et le salut de son troupeau? »

Celui qui osait parler ainsi ne devait pas poursuivre impunément sa fougueuse croisade. En mars 1593, après un procès dont les contemporains écrivent qu’il fut déshonorant pour les tribunaux de Marie Tudor, Penry payait de sa vie son audacieuse franchise. Il monta sur l’échafaud et supporta avec la plus admirable constance la vue et l’odieux contact du bourreau. Comme au plus vil