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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/686

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Ses troupes passèrent la nuit sous les armes; quant à lui, atteint pendant la journée d’un coup de pied de cheval, il s’était couché sur une botte de paille dans une maison à moitié détruite.

Il était encore étendu, le lendemain matin, sur ce lit de campagne lorsqu’il vit entrer un officier d’ordonnance qui venait le chercher de la part de l’empereur. Il ne pouvait marcher et n’avait plus de monture, son cheval étant blessé ; l’officier d’ordonnance lui offrit le sien. L’empereur, suivi d’un nombreux état-major, était au milieu des soldats qu’il félicitait et qui l’acclamaient. Envoyant Macdonald, il vint à lui, l’embrassa cordialement, et tout plein de son Corneille : « Soyons amis! » Auguste avait parlé: « A la vie! à la mort, » répondit Macdonald, qui n’avait jamais été Cinna. « Vous vous êtes vaillamment conduit, reprit l’empereur, et m’avez rendu les plus grands services comme dans toute cette campagne; c’est sur le champ de bataille de votre gloire, où je vous dois une grande partie de cette journée d’hier, que je vous fais maréchal de France ; il y a longtemps que vous le méritiez. — Sire, puisque vous êtes satisfait de nous, que les récompenses soient étendues à mon corps, à commencer par les généraux Lamarque et Broussier. — Tout ce que vous voudrez, je n’ai rien à vous refuser. » Ce fut ainsi que Macdonald se vengea du général Lamarque, lequel n’en continua pas moins de clabauder et d’intriguer, mais dont il réussit à se débarrasser peu après. A peine l’empereur eut-il tourné bride que sa suite dorée s’empressa autour du nouveau maréchal; ce furent des accolades, des serremens de mains à n’en plus finir. Sans cette marque insigne de faveur, ils eussent bien vite passé leur chemin ; telle fut la réflexion du triomphateur philosophe. Sa première visite et son premier remercîment furent pour le prince Eugène, ils se jetèrent avec une joie sincère dans les bras l’un de l’autre.

Quelques jours après, un armistice ayant été conclu, Macdonald reçut l’ordre de retourner en Styrie et d’établir son quartier-général à Gratz. Il alla en passant rendre ses devoirs à l’empereur. « Je trouvai, dit-il, à Schœnbrunn, un pays et un personnel tout nouveaux pour moi, je veux dire cette cour impériale qui me salua froidement. » C’est que l’empereur, préoccupé ce matin-là sans doute, l’avait froidement accueilli; cependant il le retint à déjeuner avec Berthier et Marmont qui venait d’être fait aussi maréchal en même temps qu’Oudinot. Pendant qu’on était à table, on remit à l’empereur une dépêche de Vandamme. Celui-ci, commandant le corps wurtembergeois, avait été dirigé sur Gratz dont il devait prendre possession, en attendant l’arrivée de Macdonald; il mandait qu’en route il avait rencontré un corps autrichien qui, appartenant à l’armée