norvégien, vers le milieu du XIIIe siècle, sur l’ordre du roi Haakon IV. Il nous est parvenu une traduction en vers anglais du lai du Frêne : elle date du XIVe siècle. Enfin, en plein XVe siècle, un autre poète anglais, Thomas Chestre, remaniait encore en sa langue un lai de Marie, celui de Lanval. Malgré cette vogue, Marie de France reste une inconnue. C’est à grand’peine qu’interrogeant ses œuvres, on peut recueillir les menus faits que voici. D’abord, il est certain qu’elle écrivait en Angleterre[1]. Puis, qu’elle était fort savante pour ce temps où les grands seigneurs, très souvent, et les femmes, presque toujours, ne savaient pas lire. Elle savait l’anglais : car c’est de l’anglais qu’elle a traduit son recueil de fables, Isopet. Elle savait aussi le latin : c’est du latin qu’elle a traduit la légende du saint national de l’Irlande, le voyage merveilleux de saint Patrice au purgatoire, l’un des prototypes de la Divine Comédie. Pourquoi avait-elle passé en Angleterre ? Fut-elle grande dame, bourgeoise, ou la meschine de quelque princesse, ou bien une simple jongleresse ? Nous l’ignorons, et sans doute, pour toujours. Enfin, — et c’est là notre dernier renseignement, — elle a dédié ses lais à un roi qu’elle ne nomme pas, et ses fables à un mystérieux comte Guillaume. Quel est ce roi et qui ce comte ? Jamais moindre problème n’a fait germer plus d’hypothèses. Que d’érudits il a torturés, depuis Legrand d’Aussy et le chanoine de La Rue jusqu’à M. Constans, en passant par Robert, Méon, de Reiffenberg, Rothe, qui sais-je encore ? Il a fait écrire à un savant allemand, M. Ed. Mall, toute une dissertation, dont les conclusions, — c’est M. Ed. Mall lui-même qui l’a plus tard magistralement démontré, — étaient toutes fausses. Pas un roi d’Angleterre, depuis Étienne jusqu’à Henri III, c’est-à-dire de 1135 à 1270, en qui quelque érudit n’ait vu le protecteur de Marie. Et ce comte Guillaume était-il un comte anglais, ou si c’était un comte français ? Serait-ce Guillaume de Dampierre, comte de Flandre, qui mourut en 1235, ou ne serait-ce pas plutôt Guillaume d’Ypres, qui vécut un siècle plus tôt ? ou, peut-être encore Guillaume, comte de Salisbury ? Or, depuis la récente édition de M. Warnke, ce grave problème est résolu : grâce à la puissance des investigations philologiques, nous savons maintenant, à n’en pas douter, à quel roi, à quel comte Marie a dédié ses poèmes.
Qu’on veuille bien ne pas sourire. Que Marie ait offert ses fables au vague Guillaume que voici, ou à cet hypothétique Guillaume-là,
- ↑ Elle appelle la France « les terres de là. » Elle donne le titre anglais de deux de ses lais. Elle a traduit de l’anglais (et non de l’anglo-saxon, comme vient de le montrer M. Jacobs) un recueil de fables attribué au roi Alfred.