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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/871

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de ravitaillement commun du nord de l’Afrique et des provinces qui sont au sud et à l’ouest du Sénégal ; 4° dans les régions qui bordent la Mer-Rouge, depuis la hauteur de Souakim jusqu’à celle d’Aden et de Périm[1] ; 5° sur un grand nombre de points situés entre les Grands Lacs et les côtes du Zanguebar, depuis Ibo et Lindi au sud jusqu’à la rivière Jub et à Mukdishu dans le nord[2] ; 6° à l’est des contrées situées sur l’Océan-Atlantique et sur les frontières du Benguela, pour les esclaves enlevés dans les vallées de la Liba et du Kassai ; 7° dans le pays des Zoulous depuis la suppression des marchés établis sur le Zambèze ; 8° à l’intérieur de l’Afrique équatoriale et sur les hauts plateaux des Grands Lacs. En un mot, dans toutes les contrées où les champions de la civilisation, explorateurs ou missionnaires, se frayaient une route, les champions de la barbarie arrivaient sur leurs pas, en bataillons plus serrés, pour étouffer la bonne semence et propager l’œuvre de mort. On montrait aisément du doigt, sur la carte d’Afrique, le nombre croissant des provinces qu’ils avaient converties en déserts et le cardinal Lavigerie pouvait calculer, sans qu’on osât le démentir, que, si l’Europe ne mettait pas à exécution les projets de la conférence « africaine, » si les actes ne succédaient pas aux paroles, l’Afrique serait dépeuplée en moins de cinquante ans.

Déjà, sept ans avant la conférence de Berlin, à Bruxelles, Léopold II, roi des Belges, avait officiellement convié les membres de l’association internationale africaine à poursuivre, par tous les moyens possibles, l’extinction de la traite. En 1888, Léon XIII, dans son encyclique aux évêques du Brésil, signala du même coup aux peuples civilisés le grand acte d’émancipation qui venait de s’accomplir dans l’Amérique méridionale et « l’ignoble trafic d’hommes » qui déshonorait l’Afrique. Il annonçait la nouvelle croisade : un autre Pierre l’Ermite parcourut l’Occident, le crucifix à la main, pour la prêcher. L’œuvre antiesclavagiste une fois constituée par nationalités différentes, le roi des Belges jugea le moment venu de réunir en un faisceau ces bonnes volontés éparses. C’est encore lui qui convoqua les représentans des puissances civilisées à Bruxelles, d’accord, nous n’éprouvons aucune peine à le reconnaître, avec le gouvernement anglais, pour arrêter un plan

  1. Là les caravanes d’esclaves arrivent des contrées situées au sud du Wadai, du Darfour, du Cordofan, ainsi qu’à l’est et au nord du Nyanza : des barques arabes viennent les prendre la nuit, sur le littoral, pour les passer, à la faveur des ténèbres et en trompant la surveillance des trop rares croiseurs anglais et français, aux côtes de l’Arabie, d’où on les envoie ensuite dans toute l’Asie (lettre du cardinal Lavigerie, du 23 juillet 1888).
  2. « Vendus là, les esclaves sont transportés en Asie, sur des barques arabes, par les mêmes procédés employés le long de la Mer-Rouge. » (Même lettre.)