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contenue, maîtres absolus de leurs chevaux, dont ils jouaient avec autant de souplesse et d’aisance que les plus fameux régimens de cosaques ou de hulans. Il fallait voir nos batteries d’artillerie se déployer, pour le combat, d’un seul élan, sans une hésitation, image superbe de la hardiesse au service de la science. Et il fallait les voir, nos petits fantassins, au passage des moindres villages, après les plus dures étapes, se redresser fièrement dans leurs uniformes usés et poussiéreux, portant allègrement le fusil et le sac, cadençant le pas aux gais refrains des clairons et à l’appel martial des tambours, avec la belle fierté de montrer en eux la force et la discipline de toute l’armée.

Si nos soldats des différentes armes ont été en et par eux-mêmes presque irréprochables, si la préparation tactique a été assurée partout, dans les plus petites unités comme dans les régimens, par l’intelligence pratique des officiers subalternes, — par ceux de la cavalerie comme par ceux de l’artillerie et de l’infanterie, — des erreurs assez nombreuses et même des fautes ont été commises dans l’emploi de ces armes. Les manœuvres ont fourni, à cet égard encore, des enseignemens infiniment précieux, à condition que, les ayant recueillis, le ministère de la guerre ait la résolution ferme et le courage, qui sera souvent pénible, d’en profiter. Ces erreurs et ces fautes, les attachés militaires étrangers, ceux-là surtout qui cachent sous le casque d’acier des yeux de lynx, les ont vues et parfois mieux que nous-mêmes. Et ils sauront comme nous si le mal reçoit ou non le remède qu’il comporte.

Deux erreurs principales ont pu être signalées dans l’emploi de l’infanterie. Dans les marches, sur les routes et à travers champs, les différens états-majors n’ont pas encore rompu avec la vieille habitude qui consiste à faire « garder leurs distances » aux différens échelons d’une colonne ; il n’est notoirement rien de tel que cette routine pour fatiguer inutilement les troupes et amener des à-coups ; chacun des échelons doit marcher à son pas et à son heure. Dans les batailles, l’infanterie a conservé, d’autre part, une fâcheuse tendance à ne pas marquer les phases du combat. Comme Guzman, elle ne connaît pas d’obstacle, ce qui est fort joli en manœuvres, mais ce qui ne le serait point, malgré toute la bravoure et toute la hardiesse du monde, en temps de guerre. D’une manière générale, les corps d’armée prenaient à peine le temps de se déployer, et leurs dernières troupes marchaient sans s’arrêter, du point de départ au couronnement des positions ennemies. Or, rien de plus contraire à la réalité que cette belle manœuvre de parade. S’il est admis, en effet, que la masse de combat d’une armée et ses réserves auront souvent à marcher en formation de rassemblement, il n’en va pas