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Notre ministre des affaires étrangères le prouva victorieusement, en termes courtois, dans une note verbale qu’il passa, le 4 novembre, à lord Lyons et dans laquelle il faisait en outre remarquer qu’un mémoire de M. Colvin, de date récente, publié par le gouvernement anglais lui-même, démontrait, en faisant l’historique du contrôle depuis ses débuts, que cette institution n’avait donné lieu à aucune difficulté, et que les ministres du khédive, notamment Chérif-Pacha, qui venait d’être appelé de nouveau à la présidence du conseil, « en étaient les plus dévoués partisans. » L’objection était sans réplique. Le principal secrétaire d’État persista néanmoins à vouloir ce qu’il appelait « l’abandon mutuel et simultané de la position exceptionnelle occupée par les deux pays. » Aussi M. Duclerc dut-il en venir à constater qu’il ne se dégageait, des différentes communications qui lui avaient été faites, qu’une seule idée, « celle de l’abolition du contrôle anglo-français. —… Et il ne s’agit pas, écrivait-il, de le supprimer pour le remplacer par une institution équivalente, ce à quoi nous aurions pu souscrire, mais bien de le détruire sans compensation pour nous,.. ce qui équivaudrait à la perte pure et simple du rôle que doivent nous assurer notre passé, nos traditions et nos intérêts légitimes. » — « Les ministres de la reine, ajoutait-il, estimeront certainement qu’il ne serait digne ni d’eux ni de nous de poursuivre des discussions de détail, sources d’équivoques et de malentendus, tant que le point essentiel, qui seul peut servir de base utile à nos pourparlers, n’aura pas été franchement abordé et résolu[1]. »

Cette polémique, en effet, désormais épuisée, ne pouvait se perpétuer. Lord Granville la résuma, du point de vue où il s’était placé et sans rien abandonner de sa doctrine, dans une dépêche du 30 décembre, donnant à entendre qu’il partageait le sentiment de son interlocuteur sur l’inutilité de la continuer. M. Duclerc prit acte de cette dernière communication le 4 janvier. Après avoir redressé quelques points secondaires dont le principal secrétaire d’État s’était prévalu à défaut de bonnes et solides raisons, il écrivait à M. Tissot ces fières paroles : « Au point décisif où en sont les négociations, il serait superflu de relever certaines autres réserves que suggère l’examen de la note de lord Granville. Je voulais espérer que de nouvelles ouvertures, dont nous n’avions pas à prendre l’initiative, auraient fourni la base d’un arrangement compatible avec les intérêts dont nous ne saurions abandonner la surveillance et ceux dont l’Angleterre poursuit la consolidation immédiate. Le gouvernement de Sa Majesté britannique en a jugé autrement et nous met dans l’obligation de reprendre en Égypte

  1. M. Duclerc à M. Tissot, 24 novembre 1882.