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Cette crise a été conjurée ; l’organisation de tous les services est achevée, celle de l’armée ne laisse plus rien à désirer. L’Angleterre s’est donc, à son honneur, acquittée du mandat qu’elle avait assumé. Mais songe-t-elle à libérer de sa tutelle le khédive et son gouvernement ? Le cabinet a été souvent interpellé au parlement à ce sujet ; qu’a-t-il répondu ? Il a, en toute occasion, tenu le même langage ; il a reconnu que l’occupation avait toujours eu et gardait un caractère provisoire, mais il a déclaré qu’elle ne cesserait que quand l’Egypte serait dotée d’une bonne organisation. C’est ainsi que s’est encore expliqué, au mois de février dernier, sir James Fergusson, l’organe du foreign office à la chambre des communes. Un membre dont la parole est fort écoutée, M. John Morley, lui a fait remarquer que l’occupation de l’Egypte faussait toute la politique de l’Angleterre ; c’est ainsi, a-t-il dit, que l’Angleterre a dû faire à l’Allemagne, sur la côte orientale d’Afrique, les concessions les plus funestes ; c’est ainsi qu’elle s’est mise vis-à-vis de la France dans une situation qui ne permet de résoudre aucune des difficultés pendantes entre les deux pays. « L’Angleterre joue un mauvais rôle en Europe, a-t-il dit encore, en violant ses promesses ; » et, s’appuyant sur ces considérations, il a exprimé l’avis qu’il était temps d’examiner s’il n’y avait pas lieu de fixer la date de l’évacuation. Le représentant du cabinet s’est renfermé dans ses premières déclarations, et l’on a passé à l’ordre du jour.

Que veut-on dire, à Londres, quand on soutient qu’il importe, avant de livrer l’Egypte à son propre gouvernement, de la munir d’une bonne administration ? Faut-il non-seulement que cette administration soit bien constituée, mais encore qu’elle fonctionne assez longtemps pour démontrer qu’elle est solidement établie ? C’est ce qui semble ressortir de deux volumineux rapports du principal agent de l’Angleterre au Caire, sir Ev. Baring, l’un sur les finances, l’autre sur l’état moral et matériel du pays. Ces documens sont édifians ; ils démontrent que le gouvernement britannique a bien fait les choses, que, grâce à ses efforts, l’Egypte jouit d’une paix profonde, que des améliorations, des réformes salutaires lui assurent un avenir prospère. En terminant son exposé, sir Ev. Baring affirme que la tranquillité est désormais garantie, que la confiance est rétablie, que les capitaux se sont rassurés. « En dépit de circonstances particulièrement difficiles, le trésor égyptien, dit-il, a été mis en état de faire face à tous ses engagemens, déjà même des mesures ont été prises qui atténuent les charges du fisc. La corvée a été supprimée ; la corruption diminue ; le système d’irrigation a été grandement amélioré… Une armée peu nombreuse, mais suffisante, a été organisée. L’esclavage disparaît rapidement, et des améliorations