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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 108.djvu/430

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alternative qu’une victoire complète ou un irrémédiable désastre ; mais les soldats avaient foi dans l’habileté de leur chef et dans le succès de leur cause. Canto justifia leur confiance ; il ne se dissimulait aucun des obstacles qu’il avait devant lui, il s’ingéniait à les tourner, à paralyser les avantages de la position de ses ennemis et à détourner à son profit ceux qui le constituaient en infériorité réelle. C’est ainsi que, par un habile mouvement de flanc, il réussit à occuper, au-dessus de Valparaiso, à Salto, la voie ferrée qui relie le port à la capitale, et dont il ne laissait qu’un tronçon aux mains de ses adversaires. Maître de la ligne, interceptant les communications de Balmaceda avec Santiago, qui tint du coup le dictateur pour perdu, il attirait à lui les nombreux mécontens de cette ville et tous ceux qui vont au succès, il assurait l’approvisionnement de ses troupes et s’ouvrait, en cas de besoin, une ligne de retraite.

A Valparaiso, la population attendait, dans une indicible émotion, le résultat de la lutte engagée sous ses murs et qui allait décider de son sort. Toute la journée du 22 août, le sourd grondement de l’artillerie s’était fait entendre, plus distinct et plus rapproché vers le soir, mêlé au crépitement de la fusillade. Les congressistes avaient gagné du terrain, et la longue file d’ambulances qui évacuait les blessés dans la ville attestait l’importance du combat. On savait toutefois que le gros de l’armée balmacédiste occupait les positions de Viña-del-Mar couvertes par le fort Callao, que cette armée se renforçait d’heure en heure, et ceux qui sympathisaient secrètement avec la junte doutaient que Canto avec toute son habileté et ses bataillons avec toute leur valeur pussent forcer l’obstacle. C’était aussi l’opinion de l’amiral, commandant l’escadre américaine, et des officiers des bâtimens de guerre étrangers mouillés sur rade. Ils tenaient pour très douteux le succès des congressistes, et ils estimaient qu’en cas de revers ils courraient grand risque d’être complètement écrasés.

Nonobstant leur échec de la veille et leur impuissance à défendre le passage de l’Aconcagua, Balmaceda et ses lieutenans étaient pleins de confiance. Ils n’ignoraient pas que les congressistes avaient subi des pertes sensibles, et que les renforts reçus par eux ne comblaient pas les vides faits dans leurs rangs. Toute la nuit ils avaient accumulé des munitions de guerre dans le fort Callao, dans les batteries de Podetto, d’Andes et de Valparaiso, et dirigé sur Viña-del-Mar les contingens rappelés en hâte. Canto, de son côté, n’était pas resté inactif. Sa flotte, embossée dans la baie de Cosnon, était désormais trop éloignée du théâtre de l’action pour lui rendre de sérieux services. Il prit la résolution hardie de