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en terre sainte. Le roi Richard lui-même ne fit probablement que rappeler des lois déjà en usage du temps des pirates normands,

Qui tuait un camarade était attaché au mort et jeté avec sa victime à la mer. — N’avait-on infligé qu’une blessure, on en était quitte pour avoir la main coupée. — Tirer simplement le couteau, sans qu’une goutte de sang eût coulé, se payait encore assez cher. La main du coupable, traversée d’un de ces grands couteaux dont on se servait pour couper le pain, était clouée au grand mât, l’autre bras restant lié au corps. Le supplice semble dur : il dépendait du condamné d’y mettre un terme à l’instant même. Il fallait seulement qu’il eût le courage d’arracher sa main par un brusque effort à la lame tranchante qui la retenait.

La cale figurait encore dans notre code pénal en 1848. Elle fut, dès le moyen âge, de tous les châtimens, le plus fréquemment employé. « Que celui qui porte un coup avec le poing à un de ses compagnons, sans qu’il y ait de sang répandu, soit plongé trois fois dans la mer ! » prescrivait, en l’année 1189, le roi Richard. Le châtiment devenait terrible quand on faisait passer le condamné sous la quille du navire.

On peut constater deux périodes bien distinctes dans les progrès successifs qui ont constitué la marine à voiles de guerre. En l’année 1396, on voit l’artillerie apparaître à bord des vaisseaux des Pays-Bas. Vers l’année 1520, cette artillerie arme le travers des vaisseaux : un constructeur de Brest, le sieur Descharges, vient d’inventer les sabords. Dès ce moment, la marine qui ne s’effacera que devant le vaisseau à vapeur, la marine des Ruyter, des Tourville, des Suffren, des Nelson, des Bouvet, des Duperré, des amiraux Roussin, Baudin, Hugon, Lalande, de Parseval, de La Susse, Hamelin et Bruat, la marine à laquelle j’ai moi-même consacré ma jeunesse, se trouve irrévocablement fondée. Elle aura duré trois cent trente-cinq ans, du règne de Charles-Quint au règne de Napoléon III.

Pendant plus de cent ans, on s’était contenté de placer quelques pièces d’artillerie aux extrémités du vaisseau. Dès le début du XVIe siècle, on voit les flancs du Grand-Henry se garnir de 122 bouches à feu, ceux du Saint-Mathieu en porter 130, de la Charente 200. Réduisons cependant ces chiffres à leur juste valeur. Sur les 122 pièces du Grand-Henry, on en compte à peine 34 qui mériteraient aujourd’hui le nom de canons. Le reste se compose de fauconneaux, de serpentins, de rabinets, bouches à feu dont la plus forte lance un boulet d’une livre et demie à peine. La grosse artillerie elle-même comprend les calibres les plus variés. On y rencontre, outre les coulevrines, des demi-coulevrines et des