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réciproque fondé sur le respect des droits de chacun en matière de culte religieux, d’éducation et de langage. C’est, en effet, la seule manière de créer cette nationalité, ce patriotisme, qui doivent précéder l’union formelle et dont parle l’article 5.

Puis il y avait à sauvegarder les indépendances de la veille, à préparer celles du lendemain, par une défense jalouse, une culture patiente du principe fondamental : l’Afrique du Sud aux Sud-Africains. Ceci menait à poser des règles qu’on maintiendrait ensemble contre toute influence du dehors. La plus essentielle serait le droit des républiques et des colonies au libre maniement de leurs questions intérieures ou de voisinage vis-à-vis des natifs. En d’autres termes, celui de statuer sans entraves sur le régime des indigènes et d’agir à sa guise avec les tribus qui n’ont pas encore été entamées par la a conquête blanche, » comme on dirait en Amérique. C’est un grand point. L’Angleterre a toujours pris fait et cause poulies naturels. Son immixtion dans les affaires de l’Afrique australe, presque nulle aujourd’hui à tant d’égards, persiste malgré tout dans cet ordre d’idées. Et comment réclamer de pareilles coudées franches sans montrer l’urgence de fortes organisations militaires avec la nécessité d’un suffrage restreint ? Voilà ce qu’est, en gros, l’afrikandérisme. Son œuvre d’apaisement et de concorde a réussi dans la colonie du Cap au-delà de ce qu’on osait espérer. Des hommes d’origine anglaise ont pu se rallier au parti, en devenir les plus zélés champions et même les coryphées.

L’État libre de l’Orange est sa deuxième citadelle, avec une garnison mixte aussi, mais plus hollandaise.

Au Transvaal, malgré les efforts de M. du Toit, qui devint ministre de l’instruction publique dans ce pays après la guerre d’indépendance, le mouvement a échoué. M. du Toit lui-même ne commandait qu’une aile de la ligue, la fraction moins transigeante, moins opportuniste, moins réconciliée, le parti de Paarl, comme on l’appelait à cause de la ville où il avait pris naissance.

Pourquoi cet insuccès ? D’abord, Londres avait gâté l’idée afrikandériste en essayant de la faire sienne. Dès 1875, lord Carnarvon, alors chef du Colonial-Office, voulait réunir en conférence des représentans du Cap, de la Natalie, de l’Orange, du Transvaal et d’une province encore non rattachée, le Griqualand occidental pour voir jeter les bases d’une politique commune envers les natifs, comme aussi d’un Dominion sous pavillon anglais. Il envoya au Cap l’éminent historien Froude, chargé de faire connaître et prévaloir les vues du gouvernement impérial. Ce mandataire, aussitôt, se heurta aux objections du ministère de Cape-Town. On savait la