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indélébiles et M. Dubois-Reymond aura beau faire, M. Langbehn continuera à poursuivre en lui l’ancien Français, le descendant des réfugiés de l’édit de Nantes. On conviendra que c’est lui taire payer un peu cher la courtoisie avec laquelle ses ancêtres ont été autrefois accueillis en Prusse.

Si cet ancien Français est si malmené par un de ses compatriotes, nous pouvons à l’avance être édifiés sur le traitement que nous réserve M. Langbehn. Ce n’est pas qu’il parle bien souvent de nous. Il ne s’en occupe guère que pour rappeler, en passant, le mot de César sur cette nation turbulente dont le caractère n’a pas changé depuis bientôt 2,000 ans, ou pour apprécier, d’une façon aussi dédaigneuse que sommaire, l’art parisien qui « oscille entre le demi-monde et le prolétariat, entre le patchouli et les sabots de bois. » Ceci est pour Millet. Quant à Zola, en qui M. Langbehn se plaît à résumer toute notre littérature, il est secoué plus rudement encore. Dans la véhémente péroraison où il associe son nom à celui de Dubois-Reymond, comme ceux des « ennemis typiques » de l’Allemagne, l’auteur de Rembrandt als Erzieher n’imagine pas de travestissement plus odieux que de nous les présenter l’un en frac d’académicien, l’autre en correcteur de Goethe, s’enflant si bien que, comme la grenouille, « il en crève. » Une seule fois, l’esprit français a trouvé grâce devant M. Langbehn, et en parlant de la clarté qu’il lui reconnaît, il va jusqu’à conseiller à l’Allemagne, dans l’état de confusion où elle est encore, de jeter à l’occasion un regard de l’autre côté des Vosges. « Le mélange du bon sens allemand et de la clarté française, c’est peut-être sur cette conjoncture que l’on pourrait espérer quelque amélioration entre les rapports des deux peuples. » Il est vrai qu’épuisé par un tel effort d’aménité à notre endroit, l’auteur ajoute aussitôt que cette clarté de l’esprit français résulterait chez nous d’une infiltration d’élémens germaniques dans le Nord et d’élémens grecs dans le Sud.

Malgré cette diversion destinée à faire passer toutes ses malices ou ses invectives contre la société berlinoise, peut-être M. Langbehn eût-il hésité à les hasarder, s’il n’avait eu par devers lui un moyen sûr de se les faire pardonner, en flattant d’autre part les instincts les plus chers de ses compatriotes. Quand il vante ainsi à outrance Rembrandt, quand il le propose comme éducateur au peuple allemand, quand il mêle son nom à une foule de choses dont le maître n’avait cure, il a ses raisons, et, pour imprévues qu’elles soient, elles méritent d’être rapportées. Rembrandt, paraît-il, est par excellence le type de l’artiste allemand, a L’Allemand, — je n’invente pas, je cite, — l’Allemand ne veut en faire