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enfin, qui, dans le choix capital du régime à donner à sa nouvelle province, étudie sur place, par les soins de son chef suprême, les décisions qu’il convient de prendre, et les fait agréer du secrétaire d’État à Londres.

Les préférences de l’opinion publique, sinon dans la Birmanie anglaise, du moins en Angleterre et dans l’Inde, et les préférences mêmes du gouvernement étaient pour ce qui engagerait le moins les responsabilités de l’empire. Se souvenant des difficultés que ses prédécesseurs avaient prévues[1] et rencontrées en 1852 : « J’éprouve, écrivait lord Dufferin, le 17 février 1886, au secrétaire d’Etat pour l’Inde, une très grande répugnance à augmenter, sans nécessité, les devoirs de l’empire. En conséquence, j’ai tout d’abord envisagé le moyen de réduire notre intervention au minimum, en la bornant à des mesures de précaution simplement suffisantes pour empêcher qu’à l’avenir puissent prévaloir, ouvertement ou secrètement, dans la vallée du Haut-Iraouaddy, des influences étrangères qui pourraient nous gêner. En d’autres termes, je me suis demandé s’il ne serait pas possible de transformer la Birmanie en un état, appelé suivant une expression devenue familière, état-tampon (buffer-state). En vertu d’un arrangement de ce genre, la dynastie indigène des Alompra serait restée sur le trône ; le prince régnant aurait, comme l’émir d’Afghanistan, été parfaitement indépendant dans les matières d’administration intérieure ; tout ce que nous aurions réclamé, c’eût été le droit de surveiller ses relations avec l’étranger… Quand j’y ai regardé de plus près et que j’ai eu à ma disposition plus de moyens d’information, ce projet, ne m’a pas paru praticable. Le royaume d’Ava ne possède ni l’élasticité ni le pouvoir de résistance qu’un « état-tampon » doit posséder nécessairement. Assurer par des moyens artificiels son indépendance sur la grande ligne de nos communications entre nos possessions birmanes et la Chine était un expédient d’une efficacité plus que douteuse. Cet état aurait certainement été un obstacle à la liberté des relations commerciales ; et sa faiblesse aurait été pour le gouvernement chinois une perpétuelle tentation d’affirmer, d’une façon sérieuse, ces droits nuageux et, je le crois, sans

  1. En 1852, le gouvernement de l’Inde, avant même que la guerre fût terminée, avait annexé purement et simplement la province de Pégou ; mais ceux qui connaissaient le pays, notamment sir John Kaye et sir Henry Laurence, dénoncèrent d’avance tous les inconvéniens de cette mesure. Lord Dalhousie, qui était alors gouverneur de l’Inde et, en cette qualité, ordonna l’annexion, s’était toujours montré oppose à l’expédition de Birmanie. Le 30 juin 1852, il écrivait : « Dès la première heure, j’ai avoué mon opinion que la conquête de la Birmanie serait une calamité, dépassée seulement par la calamité de la guerre. Aujourd’hui encore, mon opinion n’a pas changé. »