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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 109.djvu/105

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LE BERRY.

été patiemment fouillés avec l’espoir qu’on y trouverait un trésor caché. Mais, comme partout, on y a déterré des armes rouillées, des ornemens, des ossemens humains et autres, et des amas de cendres.

S’il n’existe plus trace d’habitation biturige, on sait du moins que dans le Haut-Berry, les localités les plus anciennes sont Bourges, Mehun, Dun-le-Roi, Vierzon et Concressault ; il en est de même dans le Bas-Berry, de Déols, Issoudun, Argenton et Levroux. Un fait digne d’être remarqué, c’est que, lorsque les rives droites de l’Allier et de la Loire se couvraient de cités telles que Nevers, La Charité, Pouilly, Cosne, Briare, Gien, etc., les rives gauches restaient inhabitées.

Je l’ai dit dès le début, on ne trouve dans le Berrichon de notre époque aucun indice de ce qu’il fut jadis. Goûts, industrie, croyances religieuses, tout est changé. À l’esprit d’émigration qui le poussait des bords de l’Indre et du Cher jusqu’à ceux du Tibre, en Palestine, en Tunisie, en France, là où il y avait des Anglais à battre ou des coups à recevoir, a succédé un esprit casanier, un besoin très marqué de vivre et de mourir sous le toit où il est né. Toute nouveauté lui cause un frisson et lui fait prendre en défiance qui lui en parle. Le génie du négoce et d’expansion extérieure qui fut poussé si loin par Jacques Cœur ; la renommée ancienne de ses fers et de ses draps inusables, ont subi une éclipse totale. Certes, l’habitant du Berry n’est pas devenu athée, mais je doute qu’il s’ensevelisse sous les ruines d’une ville, comme il le fît à Sancerre du temps de Calvin, pour ne pas confesser des articles de foi quelque peu contraires à sa conscience. À part de rares et honorables exceptions, le coup d’État de Napoléon III et les proscriptions qui suivirent ne réveillèrent plus en lui l’esprit libéral et frondeur que Louis XI et Louis XIV châtièrent, du reste, plusieurs fois, très cruellement. Comme tous ces changemens ne se produisirent qu’à la fin du siècle dernier, il est permis de les attribuer à la centralisation à outrance qui date du même temps. Au lieu d’une province largement ouverte, le Berrichon ne vit plus devant lui que deux centres administratifs sans grande importance : Châteauroux et Bourges. Les plus ambitieux s’empressèrent de quitter leurs loyers, tellement Paris attire à lui toute lumière qui brille en dehors de son foyer.

Les Berrichons personnifient donc la stabilité, la douceur, une égalité d’humeur qui n’est pas exempte d’un esprit légèrement sceptique, l’indolence insurmontable de l’homme attaché à de calmes habitudes, et chez beaucoup, — chez le paysan surtout, — le labeur obstiné, patient, persévérant, un labeur de bœuf à la charrue, et