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LE BERRY.


tienne en repos ; et enfin, de verser chaque année exactement dans le trésor royal ce qui revenait au fisc. » La conclusion n’est-elle pas toujours la même et de tous les temps ?

Le diplôme n’empêcha pas les nobles comtes d’amasser de scandaleuses richesses : ayant tous les pouvoirs, ils en abusaient, et ce n’était guère qu’auprès des hauts membres du clergé ou de ce qui avait survécu à l’organisation des municipalités romaines, que les opprimés trouvaient aide et protection. Du reste, les rois francs ne réussirent pas toujours à maintenir les impôts qui avaient pesé sur les Gallo-Romains tant que le pouvoir de Rome avait duré. Les Francs eux-mêmes n’en voulaient pas payer, mais ils supportaient des charges assez sérieuses, telles que le service militaire et les dons qu’il fallait faire aux chefs lors des assemblées annuelles, ou bien à l’occasion de naissances, mariages et droits régaliens. Si les impôts romains avaient cessé pour tous, les cités, pour subvenir à leur entretien et à la conservation de leurs remparts, avaient transformé ces impôts en charges municipales. Les agens du fisc, qui surnagent toujours, même après les plus horribles naufrages, s’agitèrent si bien pour faire un recensement de gens taillables et corvéables, qu’ils réussirent à dresser des rôles de contribution. Mais, quand dans leur ardeur fiscale ils voulurent y comprendre les ecclésiastiques, les évêques intervinrent auprès du roi Dagobert, alors régnant, et telle fut leur influence, que le débonnaire monarque, effrayé des menaces de mort subite, — accidente ! — dont un pieux ermite le menaça, ordonna de déchirer les rôles, et qu’à l’avenir, pour conjurer toute surprise désagréable, le peuple de Bourges fût mis à l’abri de n’importe quelle exaction. On suppose bien que cette protection des princes de l’Église s’étendait sur la noblesse sénatoriale et d’épée, ainsi que sur les familles dont les membres avaient rempli de hautes fonctions. Les deux états, noblesse et clergé, qui devaient se détacher un peu plus tard si nettement du tiers-état, commençaient à se concerter et à se prêter une mutuelle assistance.

Comme il n’y avait pas d’officiers publics, ou, pour être plus clair, de notaires, et que, dans les pillages et les incendies, les titres de propriété disparaissaient souvent, voici la formule au moyen de laquelle ceux qui les avaient perdus faisaient rétablir leurs droits. Elle est extraite de la bibliothèque des chartes. « Les lois permettent que, toutes les fois qu’on a perdu ses titres de propriétés ou autres, soit par le fait d’un adversaire, soit par quelque accident, ce malheur reçoive de la publicité ; c’est pourquoi, excellent défenseur, ou vous, curie publique, composée des clercs de